Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 26 février 2013 à 14h30
Compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la cour pénale internationale — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Non, mes chers collègues, on le sait bien, poser cette condition, c’est choisir l’impuissance.

Vous le savez également, en droit interne français, c’est un principe invariable, il suffit de se trouver sur le territoire national pour pouvoir être poursuivi, jugé et condamné.

Par conséquent, la première restriction, absurde, c'est cette condition de résidence habituelle sur le territoire français, condition que cette proposition de loi vise à supprimer.

La seconde restriction à laquelle il s’agit de mettre fin est ce que l’on appelle la « double incrimination ». De quoi s'agit-il ? Pour poursuivre, juger et condamner un auteur présumé de crimes contre l'humanité, il faudrait, selon la loi française actuellement en vigueur, que les faits soient punis par la législation française, bien sûr, mais également, et dans les mêmes termes, par la législation de l'État où ces faits ont été commis ou par celle de l'État dont l'auteur présumé des faits a la nationalité. De surcroît, il faudrait que cet État soit partie à la convention de Rome.

Très franchement, ces conditions, dont on ne comprend pas pourquoi elles ont été posées, sont difficiles à réunir. Je rappelle, par exemple, que la Cour de cassation, dans un arrêt du 23 octobre 2002, a considéré, s'agissant de la convention contre la torture, que la juridiction française était fondée à exercer une compétence universelle, quand bien même aurait été votée une loi d'amnistie dans l'État où les faits se sont produits ou dans l'État dont l'auteur présumé a la nationalité. C'est dire si la Cour de cassation a été claire sur le sujet !

J'ajoute qu'il serait choquant de subordonner la possibilité de poursuivre et de juger les auteurs des crimes les plus odieux à l'existence de dispositions pénales dans l'État dont ils ont la nationalité ou bien dans celui où ils ont commis ces crimes.

À cet égard, mes chers collègues, vous me permettrez de souligner la contribution de M. le rapporteur, qui, tout à l'heure, exposera sa position sur ce texte et nous présentera les amendements qu’il a déposés.

Certes, pour les raisons que je viens d’indiquer, il convient de mettre fin à cette double incrimination – c’est l’objet de cette proposition de loi –, mais il serait injuste que seuls les individus ressortissants d’États signataires de la convention de Rome puissent être poursuivis. Il faut donc aller plus loin que la proposition de loi initiale. C’est pourquoi Alain Anziani, ici, au Sénat de la République française, nous propose par la voie d’un amendement adopté à l’article 1er de la proposition de loi que les juridictions françaises aient compétence sur les ressortissants de tous les pays de la Terre, y compris les ressortissants d’États qui ne seraient pas signataires de la convention de Rome.

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