Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 26 février 2013 à 14h30
Compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la cour pénale internationale — Article 1er

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Si cela est évident pour l’ensemble des membres de votre assemblée, dont je ne manque jamais de souligner l’expertise sur les questions juridiques, il est important de le souligner afin que les choses soient bien claires pour le grand public : le monopole du ministère public n’emporte pas que ce dernier ne peut être saisi.

Je sais, pour avoir échangé avec lui sur ce point, que M. le rapporteur et moi partageons la conviction profonde qu’il faut viser l’efficacité, c'est-à-dire faire en sorte que nos juridictions ne soient pas submergées de plaintes qui ne pourraient aboutir. En effet, il faut bien retenir que nous sommes là dans le champ de l’action internationale. Quand il s’agit de faits commis en France par des Français et dont les victimes sont françaises, il n’y a pas de difficulté : nous avons créé, je le rappelle, un pôle spécialisé en matière de crimes contre l’humanité auprès du tribunal de grande instance de Paris, et je veille à ce qu’il soit doté des effectifs et des moyens nécessaires à son bon fonctionnement. En revanche, en matière d’action internationale, la conduite des enquêtes relève en général de commissions rogatoires internationales et peut de ce fait se heurter à des difficultés considérables. Si nous permettons que nos juridictions soient submergées par des plaintes qui ne pourraient aboutir, du fait notamment de l’impossibilité de faire prospérer des commissions rogatoires internationales, nous donnerons l’impression que la justice n’est pas vraiment rendue.

Eu égard à ces considérations, je souhaite que nous travaillions encore sur le sujet, afin par exemple de réfléchir à des critères permettant d’encadrer l’engagement de l’action publique par des personnes physiques ou morales autres que le parquet.

En tout état de cause, nous devons éviter l’impasse dans laquelle s’est engagée la Belgique ou les reculs auxquels l’Espagne a dû consentir. Il faudra concilier la volonté d’exemplarité de la France en matière de lutte contre les crimes contre l’humanité, manifestée par le rôle particulier que notre pays a joué dans la mise en place de la Cour pénale internationale, et l’efficacité de notre justice.

Au bénéfice de ces éléments, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, madame Cukierman. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable, même si, vous l’avez bien compris, il n’est pas en désaccord absolu avec vous sur le fond.

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