Intervention de Alain Néri

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 27 février 2013 : 1ère réunion
Traité d'extradition entre la france et l'argentine — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Alain NériAlain Néri :

Monsieur le Président, mes chers collègues, la justice, limitée par le principe de la territorialité, retrouve toute sa force et sa portée, grâce au procédé d'extradition. C'est tout l'enjeu du présent traité soumis à votre approbation.

Il a été conclu avec l'Argentine le 26 juillet 2011. Il tend à renforcer la coopération entre les deux pays qui s'est opérée jusqu'à présent sur une base consensuelle mais perfectible. Ainsi seules treize demandes d'extradition sur les vingt-neuf requêtes adressées à l'Argentine ont conduit à la remise effective des personnes. Quant aux délais de transfert, ils varient de vingt-deux jours à cinq ans.

Ces demandes ont porté sur des faits aussi variés que des assassinats, des séquestrations, des viols, de l'escroquerie, du blanchiment et des infractions à la législation sur les stupéfiants.

S'agissant des crimes commis pendant la dictature militaire qui a sévi de 1976 à 1983, aucune remise, en revanche, n'a été accordée.

Certes, l'Argentine, sous les présidences de Nestor et de Cristina Kirchner, a procédé à la poursuite de certains militaires au nom du travail de justice et de mémoire qu'elle a entrepris.

Nestor Kirchner a été ainsi l'artisan de l'abrogation, en 2003, des lois d'amnistie dites du « point final » et du « devoir d'obéissance » qui posaient une limite temporelle aux poursuites contre les militaires ainsi qu'une exemption de responsabilité pour obéissance aux ordres de leurs supérieurs.

En conséquence, des officiers tels qu'Alfredo Astiz ont pu être jugés en Argentine. Celui-ci a été condamné, en 2011, à la prison à perpétuité pour son implication dans la disparition de deux religieuses françaises survenue en 1977. Astiz avait pourtant été condamné par contumace par la Cour d'Assises de Paris en 1990. Son extradition avait été ensuite réclamée sans succès par les autorités françaises.

Voila donc une raison de conclure un tel traité d'extradition.

Il y en a d'autres. Je fais référence aux interprétations restrictives des autorités argentines sur les différentes modalités et le contenu de la présentation des demandes d'extradition, dont je vous ferai grâce et qui sont rappelées dans le rapport. Tout cela est désormais réglé dans le traité.

En outre, ce dernier vient compléter le dispositif bilatéral en matière de coopération et d'entraide judiciaire instauré en 1991 et 1998.

Ce n'est, en revanche, que le troisième accord conclu par la France après celui signé avec les Etats-Unis en 1996 et avec la Chine en 2007, ce qui ne signifie pas que l'extradition soit hors champ conventionnel. En effet, ces accords sont généralement conclus au niveau intergouvernemental.

Le traité d'extradition entre la République française et la République argentine revêt donc une forme solennelle. Ses stipulations sont conformes à la pratique internationale. Les deux Parties s'engagent à se livrer réciproquement toute personne qui, se trouvant sur leurs territoires respectifs est réclamée par l'autre Partie afin d'être poursuivie ou jugée ou encore d'exécuter une peine privative de liberté.

Les situations de refus de l'Etat d'extrader sont strictement encadrées. Tel est le cas si l'infraction est de type militaire ou politique, si la personne est appelée à être jugée par un tribunal d'exception ou risque la peine de mort. Je vous renvoie au rapport pour les modalités de la procédure qui doit être écrite et documentée. La seule spécificité du présent traité réside dans l'accélération de la procédure d'examen, en cas de consentement de la personne à être extradée.

L'examen du traité m'a également permis de faire un point sur la politique argentine que vous retrouverez dans le rapport.

C'est un pays au pilotage affirmé. Il a su rebondir et se renouveler entre crises et reconstructions.

L'Argentine est parvenue à reconquérir une place essentielle dans le commerce mondial, après la dictature et les crises financières. Elle a ainsi connu une croissance rapide et stable d'environ 7,5 %, en moyenne annuelle sur la période 2003-2011, ce qui l'a hissée à la position de deuxième économie de l'Amérique du Sud en 2011.

Cet envol s'explique non seulement par le dynamisme de sa demande intérieure mais surtout par ses exportations. L'Argentine est le premier exportateur mondial de produits dérivés du soja. En Amérique latine, elle est également le premier producteur de gaz et le quatrième producteur de pétrole.

Elle constitue un partenaire privilégié de la France en Amérique latine. Nous sommes son septième fournisseur. Nous conservons un solde excédentaire en 2011 d'un demi-milliard d'euros.

Toutefois, nos relations sont sous menace protectionniste. En effet, l'excédent commercial argentin constitue sa seule voie de financement, en l'absence d'accès aux marchés financiers internationaux.

Outre les échéances de la dette publique, le pays doit également faire face à une baisse des réserves monétaires, à la fuite des capitaux, aux pressions inflationnistes ainsi qu'aux besoins de financement d'une politique sociale ambitieuse pour faire face au chômage et à la pauvreté. Il y aurait deux millions de pauvres, selon les données officielles, contre une dizaine de millions, selon les instituts privés, sur près de 41 millions d'habitants.

Le budget du ministère du développement social a donc progressé substantiellement de 360 millions d'euros en 2003 à 2,8 milliards d'euros en 2010. Si la croissance argentine se maintient, elle tend à s'infléchir néanmoins à la baisse, passant de 8,9 % en 2011 à 3,4 % en 2012, dont beaucoup se contenteraient dans d'autres régions du monde. Chiffre qui bien entendu nous fait rêver mais est moins ambitieux que les 6 % qui avaient été initialement annoncés par le gouvernement argentin.

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