Monsieur le Président, mes chers collègues, je tenais tout d'abord à remercier de nouveau notre Commission de m'avoir désignée rapporteure sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et l'Azerbaïdjan relatif à la création et aux conditions d'activités des centres culturels, et à lui faire part du grand intérêt que j'ai eu à travailler sur ce rapport.
Je m'intéresse, en effet, depuis plusieurs années, à l'action culturelle extérieure de la France, et j'ai, en particulier, suivi avec la plus grande attention, depuis 2009, (date de mon élection en tant que conseillère à l'AFE -Assemblée des Français de l'Étranger-) les réflexions ayant conduit à la loi du 27 juillet 2010.
J'exposerai donc brièvement cette réforme du réseau culturel et de coopération ayant conduit à la création de « l'Institut français » qu'il est nécessaire d'appréhender pour mieux saisir la ratification du texte qui nous réunit, avant de rappeler quelques éléments de la situation azerbaidjanaise et des relations qui unissent cet Etat à la France. Je présenterai ensuite le centre culturel français de Bakou, puis évoquerai les mesures significatives contenues par le présent accord bilatéral.
Évoquer cette réforme du réseau culturel et de coopération ayant abouti à la création de « l'Institut français » -constitué sous forme d'établissement public industriel et commercial- permet de mieux contextualiser le projet de ratification qui nous réunit. La fusion des dispositifs existants (SCAC- Établissement à autonomie financière, antennes) en un dispositif unique piloté par le COCAC a été achevée dans 93 pays fin 2012, et dans les 5 derniers, elle sera conduite cette année. Parallèlement, dans 12 états est menée une expérimentation du rattachement du réseau culturel à l'Institut français (effectif depuis le 1er janvier 2012). L'évaluation définitive du dispositif devrait avoir lieu avant le mois d'octobre 2013.
Par ailleurs, cet accord bilatéral s'inscrit également dans le cadre des relations suivies que la France entretient avec l'Azerbaïdjan depuis sa déclaration d'indépendance le 30 août 1991, et plus précisément dans le cadre d'un Traité d'amitié, d'entente et de coopération signé le 20 décembre 1993.
Rappelons, cependant, que la politique étrangère de ce petit état caucasien de 9,1 millions d'habitants est fortement marquée par la persistance d'un conflit ouvert avec la république voisine d'Arménie sur la région du Haut-Karabagh. En outre, l'Azerbaïdjan s'efforce de maintenir un équilibre entre les principales puissances régionales (Russie, Iran, Turquie, ...). Le développement de relations fortes avec la France et l'Union européenne participe à cette diplomatie d'équilibre.
En raison de l'implication de la France dans la recherche d'une solution au conflit de Haut-Karabagh - elle est membre du groupe de Minsk -, mais aussi du développement des relations bilatérales, les visites au niveau présidentiel et ministériel ont été exceptionnellement nombreuses. 12 accords bilatéraux ont ainsi été conclus depuis la ratification du traité fondateur de 1993. Dans le domaine économique, l'Azerbaïdjan est de très loin, en valeur, le pays du Caucase avec lequel la France a développé les relations commerciales les plus fortes. En 2011, elle était son 2e client et son 5e fournisseur. Enfin, la communauté française comprend un peu plus de 150 ressortissants.
Les relations de l'Union européenne avec l'Azerbaïdjan sont, quant à elles, régies par un accord de partenariat et de coopération entré en vigueur en 1999. En outre, il bénéficie depuis 2004 de la politique européenne de voisinage.
Fort de ses ressources en hydrocarbures, mais aussi de sa situation géographique, l'Azerbaïdjan, malgré une population relativement peu nombreuse, peut donc être vu comme un État stratégiquement important. Cela ne doit pas nous faire perdre de vue les attentes en matière de développement de la démocratie et des libertés publiques soulignées par les observateurs internationaux, et notamment l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
Directement concerné par le présent accord, le centre culturel de Bakou a été créé en 2004, avec notamment l'appui du Sénat, et développe depuis de nombreuses activités.
Toutefois, on constate une situation préoccupante concernant la fréquentation des élèves suivant les cours de langue, qui a fortement diminué (de 957 en 2011 à 821 en 2012). Or, ce secteur a vocation à soutenir financièrement les autres activités.
Un ensemble d'actions de coopération dans le domaine universitaire ont été développées avec plus ou moins de succès. Environ une cinquantaine d'étudiants azerbaïdjanais effectuent des études en France et le gouvernement français attribue une vingtaine de bourses chaque année. Toutefois, l'attractivité des universités françaises a reculé, passant de la 1re place (en 2009) à la 5e. Il serait donc souhaitable qu'un Espace Campus France puisse être installé rapidement dans le cadre du centre culturel.
La coopération éducative paraît plus dynamique. Le nombre d'apprenants de français est en augmentation et la langue française est actuellement la 3e langue étrangère enseignée. Un accord relatif à la création de l'École française de Bakou a également été signé le 7 novembre 2011.
L'Institut français d'Azerbaïdjan emploie 27 personnes. Il occupe des locaux loués à l'État d'Azerbaïdjan situés dans le centre de Bakou. Son budget s'est élevé en 2012 à 385 063 euros avec un niveau d'autofinancement en forte baisse traduisant, notamment, la diminution des ressources propres et en particulier des cours de langue.
Aujourd'hui, il existe différents centres culturels étrangers à Bakou, généralement dépendants des ambassades d'Allemagne, de Russie, de Turquie, d'Iran, d'Égypte et des États-Unis.
L'accord qui nous est soumis présente les caractéristiques classiques des accords de ce type. Il vise à doter les centres culturels des deux pays d'un véritable statut au regard du droit local et apporte ainsi à la France une garantie de poursuite de sa diplomatie culturelle et d'influence dans un cadre juridique cohérent. Il assure une réciprocité à l'Azerbaïdjan qui pourra mettre en place, lorsqu'il le souhaitera, un centre culturel en France. L'ouverture d'un centre culturel ne semble pas, pour l'instant, être prévue ; je le regrette car il me semble que ce serait un moyen de mettre en valeur et de faire découvrir aux Français, l'histoire, le patrimoine culturel et les artistes de ce pays, mais aussi d'établir des échanges plus nourris.
Le temps qui m'est imparti ne me permet pas d'entrer dans l'explication détaillée de chacun des 19 articles de l'accord, mais je pourrai évidemment répondre aux questions de celles et ceux d'entre vous, chers collègues, qui souhaiteraient obtenir des précisions avant le vote.
Notons néanmoins deux éléments importants :
- Il est rappelé (à l'article 2) que les centres culturels sont placés sous l'autorité des Ambassades respectives et ont la personnalité juridique de l'État d'envoi. L'Institut français d'Azerbaïdjan demeure donc un service de l'État français (placé sous l'autorité de l'Ambassadeur de France). Selon le ministère des affaires étrangères, interrogé à ce propos, il ne semble pas que la rédaction de cet article doive être modifiée si, au terme de l'expérimentation en cours dans 12 postes diplomatiques, le centre culturel devait être rattaché à l'Institut français, EPIC, opération de l'action culturelle extérieure.
- Le périmètre des activités décrit dans l'accord (article 4) dont la négociation a été engagée en 2004 est limité aux fonctions classiques. Mais ceci n'empêche pas le centre de développer des activités notamment dans le cadre de la politique d'attractivité et de la coopération universitaire et scientifique.
La procédure de ratification de l'accord a été menée à bien en Azerbaïdjan en mars 2011. Son examen par notre commission, avant d'être soumis à l'Assemblée nationale, constitue la première étape de la partie parlementaire de ce processus.
Cet accord consolide les relations culturelles avec un État dont le développement humain et social doit être poursuivi pour assurer sa stabilité et son association à la sphère d'influence européenne.
Compte tenu de son objet, de sa place particulière et du contexte plus large des relations bilatérales avec l'Azerbaïdjan, le présent projet de loi ne peut que les conforter.
En conséquence, sous les réserves évoquées en matière de développement de la démocratie, et d'un réel équilibre entre les deux États afin que la culture d'Azerbaïdjan puisse aussi être promue en France, je propose à notre commission de l'adopter. Je propose également son examen en séance publique sous forme simplifiée.