Intervention de Jean-Louis Carrère

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 27 février 2013 : 1ère réunion
Déplacement en libye — Communication

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère, président, en remplacement de M. Joël Guerriau :

J'en viens au bilatéral pour constater que nos relations économiques bilatérales ont été fortement affectées par la révolution.

La France occupait une position avantageuse avant le conflit : 6ème fournisseur et 3ème client après l'Italie et la Chine. Il faut toutefois faire remarquer que notre balance commerciale était fortement déficitaire en raison du poids des importations pétrolières.

En 2011, les exportations françaises vers la Libye se sont effondrées passant de près d'1 milliard d'euros en 2010 à 225 millions d'euros (-77 %) et les importations tombant de 4,8 milliards d'euros à 2 milliards d'euros (-58 %). En 2012, les exportations ont repris (prévision : +90 % par rapport à 2011), mais resteront toutefois inférieures de moitié à celles de 2010 (prévision : 450 millions d'euros).

Une trentaine de sociétés implantées ont repris leur activité en Libye (44 avant la révolution) mais, nous l'avons dit, la plupart attendent encore des clarifications quant à la reprise de leurs contrats suspendus. Hors hydrocarbures, les principaux enjeux économiques bilatéraux portent sur les grands contrats d'infrastructure et d'équipement et sur la privatisation de la Sahara Bank (2ème banque libyenne, dont BNP détient 19 % du capital).

Les autres entreprises tardent à s'engager sur ce marché (inquiétude sur la situation sécuritaire, lenteur des prises de décision) malgré un intérêt non démenti et plusieurs visites d'importantes délégations commerciales.

Nous avons eu une réunion avec les représentants des entreprises françaises en Libye. De cette réunion je retire les éléments suivants :

- Les témoignages directs des chefs d'entreprises sont que l'on exagère beaucoup, vu de France, le niveau d'insécurité. Il est vrai cependant que, depuis décembre dernier, la situation sécuritaire n'a pas évolué dans le sens d'une amélioration et que les évènements du Mali qui mettent la France et ses ressortissants en première ligne doivent inciter à la prudence, notamment dans le sud.

- Le second point important qui freine l'activité de nos entreprises est l'absence de liaison aérienne directe alors que d'autres pays comme l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni ou la Turquie, qui sont nos concurrents en disposent.

- En troisième lieu, nous avons pu relever que la Libye ouvre largement les portes aux sociétés qui n'ont pas de passé, c'est-à-dire qui n'ont pas eu de relations avec le régime précédent. Il y a là, pour des sociétés françaises, en particulier les PME-PMI, des opportunités importantes.

- Enfin, les industriels français ont des atouts évidents et notamment la réputation d'excellence des produits de notre pays et la palette très large tant en produits qu'en services que nos entreprises sont susceptibles d'offrir.

Ces quatre points, que nous a confirmé l'ambassadeur, devraient nous conduire à une attitude plus offensive et allante qu'actuellement. Il faut néanmoins souligner, au titre des facteurs qui freinent l'engagement de nos industriels, outre la question de la sécurité, une incertitude sur la fiabilité des interlocuteurs de haut niveau et l'environnement des affaires qui explique la frilosité des banques et de la COFACE à couvrir les transactions. Toutefois, lors de notre entretien avec le chef d'état-major adjoint, le responsable de la commission des achats noua a fait part de sa totale disponibilité à recevoir les offres provenant des entreprises françaises.

Pour conclure sur ces questions économiques, je retiendrai un message très clair des autorités libyennes qui peut se résumer en disant que la France et ses entreprises sont les bienvenues en Libye, qu'elles y bénéficient d'un préjugé favorable et même peut-être d'une priorité, pour peu que ce soit à offres égales. La Libye est certes un pays qui dispose de ressources naturelles très importantes et donc de revenus conséquents, mais l'immensité des besoins de la reconstruction, et d'ailleurs la simple application des principes de bonne gestion, font qu'il n'y aura pas de favoritisme et de « prime de reconnaissance ». La concurrence jouera. L'excellente réputation de nos entreprises, la qualité de nos produits et de nos services, l'appui de nos forces armées jouent néanmoins de manière évidente en notre faveur pour peu que nous soyons capables d'union. Nous perdrions à coup sûr si nous arrivons en ordre dispersé, si nos entreprises présentent des offres concurrentes. Il faut, là aussi, que l'équipe France joue solidaire. Ce sont d'ailleurs les orientations de la diplomatie économique que promeut notre ministère des Affaires étrangères.

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