Intervention de Annie David

Réunion du 27 février 2013 à 14h30
Amnistie à l'occasion de mouvements sociaux — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Annie DavidAnnie David :

Monsieur Fouché, la vraie violence sociale, c’est la fermeture de plusieurs centaines d’entreprises l’an dernier, d’autant que beaucoup de ces entreprises ont été fermées pour préserver les intérêts boursiers des actionnaires des maisons mères.

Oui, mes chers collègues, trop de sanctions injustes ont été infligées. Ces sanctions n’avaient d’autre objectif que d’éteindre toute velléité de contestation chez les citoyennes et les citoyens. Certains ont même été condamnés à de lourdes amendes pour avoir refusé un prélèvement ADN, procédure habituellement réservée aux criminels.

Ce fichage, rendu possible par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, adoptée sur l’initiative de Nicolas Sarkozy, qui était alors ministre de l’intérieur, a élargi à de très nombreuses infractions, dont la dégradation de biens, ce qui est bien pratique dans les circonstances qui nous occupent, le champ d’application du fichier national automatisé des empreintes génétiques, qui avait été créé par la loi du 17 juin 1998 pour les seuls délinquants sexuels. On assimile donc les syndicalistes, celles et ceux qui résistent, à des criminels !

En outre, le refus de se soumettre à un tel fichage constitue une infraction autonome punissable d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. La machine à harceler celles et ceux qui s’engagent dans un mouvement social ou même qui font acte de solidarité militante à l’égard des migrants a ainsi atteint son paroxysme.

Demandons-nous où est réellement la violence. Il est facile de discerner d’où elle vient quand un homme désespéré, demandeur d’emploi en fin de droits et à bout de forces, s’immole devant une agence de Pôle emploi. Oui, là il y a violence…

Quand ils le jugent nécessaire, les salariés utilisent leur droit de se regrouper en mouvements collectifs pour se défendre. Certains – dont vous êtes peut-être, monsieur Fouché – considèrent qu’il s’agit d’une entrave à la liberté d’entreprendre, mais, au-delà de cette liberté, il y a celle de vivre égaux en droits, et cette liberté est bafouée lorsque des familles entières sont privées de logement, d’accès aux soins, ou de ce travail qui donne droit à d’autres droits : le droit au savoir, le droit à la culture et aux loisirs, le droit tout simplement d’être un citoyen engagé dans la construction de son pays.

Avec les sénatrices et sénateurs du groupe CRC, je m’insurge, comme nous devrions tous le faire, contre ces procédures qui criminalisent l’action revendicative et attaquent en plein cœur le droit de résister. Je me range aux côtés de celles et ceux qui refusent de basculer dans une société qui ne reconnaîtrait plus les valeurs qui sont les nôtres, celles qui font la renommée et la beauté de notre pays.

Ces valeurs viennent de loin, de la Révolution française, où l’on était même allé jusqu’à parler du « devoir d’insurrection ». Elles nous ont été transmises pour traverser le temps et continuent d’animer d’autres femmes et d’autres hommes, elles et eux aussi engagés pour l’amélioration des conditions de vie au quotidien.

Comment, à cet instant, ne pas penser à Jaurès refusant de se laisser « toucher par l’éternel sophisme qui, au nom de la liberté, consacre la perpétuité de la misère et destitue de tout droit les travailleurs épuisés par une vie de labeur » ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion