Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 27 février 2013 à 14h30
Amnistie à l'occasion de mouvements sociaux — Article additionnel avant l'article 1er

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Avant de présenter cet amendement, je tiens à remercier M. le président de la commission des lois des propos qu’il vient de tenir.

La grève de 1948, qui avait été votée à l’unanimité par l’ensemble des organisations syndicales de tous les bassins et puits des Charbonnages de France, a donné lieu à une répression brutale, qui s’est soldée par plus de 2 000 licenciements, cinq morts et de nombreux blessés.

Les mineurs concernés n’ont cessé de se battre pour la reconnaissance du préjudice moral et pour leur réhabilitation, en demandant notamment l’application de la loi d’amnistie du 4 août 1981 pour leurs condamnations, dont chacun s’accorde à dire qu’elles n’étaient pas justifiées.

Contrairement aux travailleurs sanctionnés dans toutes les branches professionnelles nationalisées, ces mineurs ont été exclus du bénéfice de cette loi d’amnistie.

L’article 13 de la loi précitée dispose que seuls sont exceptés du bénéfice de l’amnistie « les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l’honneur ».

Pourtant, ces ouvriers ne se sont rendus coupables d’aucun manquement à cet égard. Quelques années avant que ne survienne cette grève, ceux-ci, dont beaucoup avaient été résistants, étaient même nommés meilleurs ouvriers de France et récompensés pour avoir contribué dans une large mesure au relèvement économique de notre pays.

La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, saisie de ce dossier en 2007, a estimé que la discrimination était « à l’évidence incontestable », car « aucun fait autre que les faits de grève ne peut [...] être reproché aux anciens mineurs ».

Le caractère discriminatoire du licenciement a été reconnu par la cour d’appel de Versailles, dans sa décision du 10 mars 2011. Cependant, le ministre de l’économie et des finances a immédiatement diligenté un pourvoi en cassation contre cette décision, qui a eu pour effet de l’annuler sur la base de motifs de procédure liés aux délais de contestation du licenciement. Les voies de recours sont désormais épuisées pour la dizaine de mineurs concernés encore en vie.

Estimant qu’il s’agit d’une question non pas de délais mais de mémoire, les auteurs de cet amendement souhaitent que les mineurs condamnés pour avoir suivi les grèves de 1948 et 1952 soient définitivement amnistiés. Ce serait une première étape significative vers la reconnaissance du préjudice moral et matériel qu’ils ont subi.

Comme l’écrit un des rares survivants, Norbert Gilmez, quatre-vingt-treize ans, « ce n’est pas à l’honneur de la France de refuser l’application d’une loi d’amnistie à des patriotes qui ont toujours privilégié l’intérêt national au prix des plus grands sacrifices, au prix de leur santé, au prix de leur sang ».

Faisons en sorte, par le vote de cet amendement, de rétablir et l’honneur de la France et l’honneur de ces mineurs, grévistes licenciés, dégradés de leur titre militaire, dont la vie a été injustement gâchée.

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