… la grève a pris une allure que certains historiens ont qualifiée d’insurrectionnelle, et Jules Moch, ministre socialiste, l’a lui-même reconnue comme telle, lui qui a envoyé des milliers de CRS et la troupe pour dégager les puits de mines.
La grève, de motifs professionnels, a donc vite glissé sur le terrain politique.
Vous me permettrez également, mes chers collègues, de faire état d’un fait qui me touche personnellement.
Mon père, responsable syndicaliste à la CFTC, a été condamné à mort, pour l’exemple, par la section communiste de Bully-les-Mines et par les cégétistes, sentence qui ne témoignait par ailleurs d’aucune pitié envers sa femme et ses enfants.
À cet appel, une centaine, voire plus, – vous me pardonnerez, nous n’avons pas compté ! – de syndicalistes, de salariés mineurs, de communistes sont donc venus, au chant de L’Internationale, à notre domicile, dans le coron de la cité minière.
Nous ne dûmes notre salut qu’à la fuite : nous nous sommes réfugiés chez des amis, qui nous ont hébergés pendant une semaine, jusqu’à ce que la grève s’achève, à la fin du mois de novembre.
Madame la ministre, mes chers collègues, vous le reconnaîtrez, nous étions là très loin des débordements ou des exactions matérielles !
L’ancien syndicaliste de la CFDT que je suis comprend parfaitement l’inquiétude et l’exaspération des militants ou des salariés ; il est aussi, évidemment, totalement favorable à l’exercice le plus libre possible du droit de grève et à la protection des salariés.
Comme vous l’avez rappelé, Madame la ministre, en 2011, la cour d’appel de Versailles a jugé tout à fait illégaux les licenciements perpétrés, au demeurant par une entreprise publique, Charbonnages de France, à l’encontre de ces mineurs qui, on peut le dire, ont été pour la plupart manipulés ou instrumentalisés. Je m’incline donc devant ce jugement, qui les rétablit – après quelque soixante-dix ans… – dans leurs droits.
À titre personnel, je suis prêt à pardonner à tous ceux qui nous ont menacés, ma famille et moi, et que je ne connais d’ailleurs pas, car je pense que le temps a fait son œuvre, mais ne me demandez pas d’amnistier les syndicalistes qui ont instrumentalisé en 1948 ces ouvriers qui, fort heureusement, n’ont pu passer à l’acte et perpétrer les violences inadmissibles qu’ils avaient été appelés à commettre.