Je voudrais rappeler quelques faits.
Tout d’abord, cette grève a été votée à la quasi-unanimité et suivie par la quasi-totalité des mineurs. Il s’agissait bien d’un mouvement de masse, vérité qui ne fut jamais démentie jusqu’à la fin, voire, malheureusement, jusqu’à la faim.
Ensuite, s’il y a eu des instrumentalisations, je parlerais pour ma part plutôt de l’instrumentalisation de certains syndicats, mais celle-ci n’a de toute façon pas empêché que l’unité des mineurs, du début à la fin de la lutte, se fasse sur la base des revendications qu’ils avaient unanimement définies.
Enfin, vous semblez oublier la répression terrible qui s’est abattue sur les corons, sur le bassin minier. Je peux vous assurer que ce souvenir-là est encore bien vivant dans les esprits de ceux qui l’ont vécu : 60 000 CRS furent déployés sans parvenir à mater la grève ; on fit appel aux troupes d’occupation en Allemagne et aux troupes coloniales pour écraser le mouvement avec, au final, plus de 2 000 arrestations et un bassin minier quadrillé par les tanks. Tout cela rappelait, non pas un mouvement insurrectionnel, mais l’occupation allemande à ceux qui l’avaient vécue quelques années plus tôt !
Je voudrais également dire un mot de la situation sociale, car c’est là le fond de ces événements. Dès 1947, les mineurs faisaient le constat d’une dégradation insupportable de leur situation – 80 % de leurs enfants, par exemple, étaient rachitiques –, dégradation à laquelle il n’avait pas été apporté de solution en dépit de nombreux appels.
Que dire des conditions de travail ? Certains veulent réécrire l’histoire en oubliant que, dans le seul Nord-Pas-de-Calais, sur un effectif de 126 500 mineurs de fond, il y eut, entre le 1er janvier 1948 et le 1er octobre de la même année, 90 tués dans la mine, 1 974 blessés graves atteints d’une incapacité permanente de travail et 3 000 silicosés, incapables de retourner au fond de la mine.
Il faut effectivement panser les plaies du passé et, moi, ce que je veux retenir, alors que nous allons célébrer le cinquantième anniversaire des grèves de 1963, c’est l’immense mouvement de solidarité qui s’empara de la France, en particulier de la classe ouvrière tout entière, dans des temps difficiles pour les mineurs.
En 1948, beaucoup d’enfants de mineurs – voire presque tous –, du Nord-Pas-de-Calais notamment, furent accueillis dans des familles solidaires de la région parisienne ou d’ailleurs. Je veux souligner ici, à l’attention de ceux qui cherchent à nous diviser, que cette solidarité s’est exprimée aussi dans les municipalités du bassin minier, y compris dans les municipalités socialistes, comme celle de Billy-Montigny à côté de laquelle j’habite, où des repas gratuits furent offerts aux enfants de mineurs.
Au nom de cette histoire, au nom de cette mémoire, je souhaite vivement que cet amendement soit adopté ! §