Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur et cher Michel, mes chers collègues, avant de devenir une proposition de loi, ce texte a déjà circulé sous diverses formes en différentes instances.
En effet, j’exerce, outre mon mandat sénatorial, celui de conseillère régionale d’Île-de-France et, à ce titre, j’ai eu l’occasion, avec mon groupe, de porter cette proposition à l’échelle régionale depuis 2004. Le pass navigo unique était une des propositions avancées durant la campagne des élections régionales de 2010 par la liste du Front de gauche conduite par notre collègue et ami Pierre Laurent. Elle a également été exprimée au STIF, le Syndicat des transports d’Île-de-France, sous forme de vœux par Christian Favier et les représentants de notre sensibilité politique au sein du Conseil régional. Enfin, elle a fait l’objet d’amendements, déposés par mes soins, au projet de loi de finances 2012. À ces moments politiques s’ajoutent la diffusion de nombreux communiqués et la tenue de nombreuses conférences de presse afin de faire connaître et partager cette mesure de justice sociale.
Je peux donc attester du chemin parcouru, avec toute la ténacité nécessaire, pour que cette proposition de financement soit peu à peu partagée et reprise par la majorité régionale et son président Jean-Paul Huchon. C’est par conséquent avec un immense plaisir que je viens aujourd’hui présenter devant vous cette proposition de loi qui est l’aboutissement d’un long parcours.
Je ne saurais minimiser le pas que nous sommes appelés, je l’espère, à faire ensemble. Si elle devait être adoptée, cette proposition de loi contribuerait à une véritable révolution tarifaire dans les transports en Île-de-France en mettant fin à une organisation régionale en zones géographiques et tarifaires aujourd’hui obsolète.
Cette mesure concerne plus de 2 millions d’utilisateurs chaque mois, dont 53 % se déplacent au-delà de la zone 2 actuelle. Afin de bien mesurer l’enjeu de ce texte et de comprendre l’évolution de notre système tarifaire et de nos modes de déplacements, je vous propose d’effectuer un petit retour dans le temps.
La construction de l’actuel métro parisien a été décidée en 1896. La première ligne reliant Porte de Vincennes à Porte Maillot, sur le trajet des actuelles lignes 1 et 2, a été ouverte en 1900. Au cours des années 1960, l’agglomération parisienne s’est rapidement étendue et les dessertes entre la banlieue et Paris ont été améliorées par la création des lignes du réseau express régional d’Île-de-France, le fameux RER, et l’amélioration des lignes de banlieue existantes.
La carte orange, créée en 1975, a été le premier titre permettant un accès illimité à tous les moyens de transport d’Île-de-France pour un prix fixe pendant une période donnée. Jusqu’alors, une personne traversant Paris pouvait devoir acheter jusqu’à cinq tickets distincts !
Elle augmenta l’usage des transports en commun de l’Île-de-France, après une période de déclin due à l’utilisation croissante de l’automobile.
L’Île-de-France était alors composée de huit zones. Si l’on vantait la qualité de vie dans la grande couronne, l’éloignement de la capitale stressante et dense a très rapidement été également dû au prix des loyers et des terrains dans le cœur de l’agglomération.
On a tenté d’accompagner ce mouvement en développant le RER, mais force est de reconnaître que, jamais, le réseau des transports de banlieue n’a été à la hauteur de celui du métro parisien.
Aujourd’hui, selon la dernière enquête globale transport, publiée en janvier 2013, 41 millions de déplacements se font quotidiennement en Île-de-France, dont 20 % en transports en commun. Entre 2001 et 2010, la mobilité en transports en commun a fortement augmenté.
Parallèlement ou paradoxalement, les transports en commun sont aussi synonymes de galère, avec des RER bondés, supprimés, en retard, connaissant de multiples incidents.
Cette situation est la conséquence d’un sous-investissement de l’État pendant des dizaines années, laissant le réseau se saturer et vieillir ; ce manque d’anticipation total de la hausse de fréquentation des transports publics va de pair avec l’exigence écologique.
Depuis 2004, la région d’Île-de-France est dirigée par une majorité de gauche ; Jean-Paul Huchon est devenu président du STIF le 1er janvier 2005. C’est à ce moment-là qu’ont été menées les premières réflexions sur une tarification sociale en Île-de-France, avec, après plusieurs années de bataille, l’obtention de la gratuité pour les chômeurs et leurs ayants droit, ainsi que la réduction des tarifs pour les personnes aux revenus les plus modestes. Aujourd'hui, personne ne remet en cause cette conquête, même s’il a fallu convaincre l’ensemble de la gauche de la justesse d’une telle mesure.
Ensuite, la réflexion a porté sur la pertinence des zones, à savoir l’adéquation entre le prix à payer pour l’usager et la qualité du service rendu.
En effet, alors que les habitants de la zone 8 étaient ceux qui payaient le tarif le plus élevé, à savoir 142 euros par mois, ils passaient le plus de temps dans les transports, avec une qualité de réseau moindre. Ils subissaient donc une triple peine, que nous n’avons eu de cesse de dénoncer, héritée d’une conception dépassée de l’aménagement de l’Île-de-France.
C’est ainsi que le nombre de zones a été réduit de huit à cinq à la suite d’une très forte mobilisation non seulement des élus, mais également des usagers.
Nous sommes ici au cœur même de la conception du service public : on ne paie pas en fonction de la distance parcourue, mais avec la garantie que l’égalité est assurée sur l’ensemble du territoire. Il ne viendrait à l’esprit de personne, me semble-t-il, de proposer pour un timbre un tarif qui diffère en fonction de la distance séparant l’expéditeur du destinataire.
Aujourd’hui, nous arrivons à une nouvelle étape : après la réduction progressive des zones, puis le dézonage le week-end mis en œuvre en septembre 2012, il nous faut aller plus loin : une seule région, une seule zone tarifaire.
À l’heure du Grand Paris, du besoin de renforcer les liens entre Paris et la banlieue, cette mesure permettrait d’affirmer concrètement cette identité régionale et d’en finir avec des barrières tarifaires somme tout artificielles.
Pour rappel, il arrive parfois que deux tarifs coexistent dans certaines villes. Cela n’a pas de sens, et constitue, par ailleurs, une fracture territoriale et une injustice sociale puisque, très souvent, ce sont les habitants des quartiers dits populaires, les plus enclavés et les plus éloignés des transports, qui paient un tarif plus élevé que ceux des centres-villes.
Malgré ces arguments, il semble que notre proposition de loi n’ait pas encore convaincu, au moment même où je parle, l’ensemble de la majorité, …