Intervention de François Zocchetto

Réunion du 28 février 2013 à 15h00
Vote blanc — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto, rapporteur :

Certains se sont donc émus de ce qui se passerait si les votes blancs étaient assimilés à des suffrages exprimés. Je le dis sans ambages, et c’est là une forme de politique-fiction que j’assume : M. Jacques Chirac, en 1995, et M. François Hollande, en 2012, n’auraient peut-être pas été élus... J’utilise le conditionnel à dessein, mais je ne suis tout de même pas loin de la vérité.

Lors des débats à l’Assemblée nationale, M. Jean-Jacques Urvoas a rappelé que, les textes soumis à référendum devant être approuvés à la majorité des suffrages exprimés, dans ce cas, « voter blanc équivaudrait à voter non ». Ce serait pour le moins discutable. M. le ministre a d’ailleurs bien exposé ces enjeux.

La commission des lois du Sénat admet la justesse de ces arguments, mais souligne que ces critiques excèdent le champ du présent texte. En effet, nous examinons une proposition de loi ordinaire. Or les modalités tant de l’élection du Président de la République que des référendums locaux sont fixées par des dispositions organiques et sortent du champ de cette proposition de loi.

En outre, les opérations de vote pour les référendums nationaux sont encore régies par des dispositions règlementaires et ne peuvent être modifiées par le législateur. C’est très curieux, mais c’est ainsi.

D’autres arguments existent cependant pour ne pas reconnaître le bulletin blanc comme un suffrage exprimé.

Tout d’abord, une telle mesure induirait une certaine confusion pour l’électeur. Tantôt considérés comme des suffrages exprimés pour les élections ordinaires, tantôt écartés des suffrages exprimés pour l’élection présidentielle et les référendums, les bulletins blancs auraient une portée politique qui varierait selon le scrutin.

Par ailleurs, il n’échappe à personne qu’une telle reconnaissance mériterait une réflexion plus approfondie, dépassant le cadre de cette proposition de loi. En effet, cette mesure aurait des conséquences notables sur la matière électorale. M. le ministre ne les ayant pas développées, je les énumère rapidement.

Plusieurs règles électorales d’importance sont déterminées par un seuil de suffrages exprimés. On peut citer pêle-mêle le fait de bénéficier ou non du remboursement forfaitaire des frais de campagne, le fait de jouir ou non du remboursement par l’État du coût du papier, de l’impression des bulletins de vote, des affiches, des circulaires et des frais d’affichage, le fait d’admettre une liste de candidats à la répartition des sièges lors des élections à la représentation proportionnelle, le fait de l’autoriser à accéder au second tour de scrutin dans la plupart des élections, le fait de l’autoriser à fusionner avec une autre liste admise au second tour de scrutin dans les mêmes élections, etc.

C’est donc un chantier très vaste qu’il faudrait ouvrir le cas échéant. En effet, la prise en compte des bulletins blancs dans le taux des suffrages exprimés conduirait à élever sensiblement les seuils précédemment évoqués.

Une question de principe se pose enfin, et ce n’est pas la moindre. Quel sens donne-t-on au vote ? Ce dernier est-il une voie d’expression supplémentaire pour l’électeur, par exemple la manifestation d’un état d’âme, ce qui impliquerait de comptabiliser le vote blanc ?

Le vote n’est-il pas aussi une modalité de désignation collective des représentants ou, pour les consultations de type référendums, un moyen d’apporter une réponse claire à la question posée ? Dans cette dernière hypothèse, l’élection ou la consultation ont vocation à aboutir à une décision et le vote blanc ne saurait alors être considéré comme un suffrage exprimé.

Je citerai volontiers un député de la monarchie de Juillet – c’est une référence étrange, je vous l’accorde, mes chers collègues, mais la citation n’en demeure pas moins intéressante – : « Un billet blanc, mille billets blancs, dix mille billets blancs ne sauraient faire un député, et la loi veut faire un député. » La commission des lois a fait sienne cette maxime.

Pour ces raisons, et pour d’autres que je n’exposerai pas en détail, vous aurez compris que la commission a approuvé la position équilibrée retenue par l’Assemblée nationale et n’a pas admis la reconnaissance du bulletin blanc comme un suffrage exprimé.

Ayant retenu ce point d’équilibre, la commission des lois a cependant modifié le texte issu de l’Assemblée nationale quant aux modalités pour voter blanc. Traduisant un vœu quasi-unanime de la commission lors de sa réunion, j’ai approuvé la proposition faite par notre collègue Christian Cointat de ne pas admettre qu’une enveloppe vide vaille vote blanc.

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