Intervention de Hélène Lipietz

Réunion du 28 février 2013 à 15h00
Vote blanc — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Hélène LipietzHélène Lipietz :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre discussion d’aujourd’hui porte sur le vote « blanc ». Pourquoi pas « vert », « bleu », « rose » ou « arc-en-ciel », couleurs d’actualité ? Car, en réalité, c’est du vote non nominatif qu’il faudrait parler.

Je vous ferai grâce des rappels historiques, la plupart des orateurs qui m’ont précédée ayant déjà apporté cet éclairage sur notre débat.

Notre code électoral contient nombre d’articles anciens, dont certains datent de presque cent soixante ans, qui restent toujours modernes lorsqu’ils prescrivent l’enveloppe uniforme, l’isoloir, l’unicité d’inscription sur les listes électorales ou une représentation des candidats parmi les scrutateurs. On peut néanmoins se demander si la vision du vote blanc que véhicule ce code est toujours acceptable.

Serons-nous, enfin, ceux qui auront fait avancer la démocratie en donnant un statut au vote blanc, voire en allant au-delà de la proposition de loi qui nous est présentée ?

Comptabiliser séparément le vote blanc est un premier pas, important, dans la prise en compte des électeurs votant blanc, mais il n’est pas suffisant quand l’abstention est une absence totale de participation au vote, une manifestation de désintérêt pour le scrutin, et que le vote nul est un rejet du système. À l’inverse, le vote blanc est l’affirmation du désir de voter sans que le choix proposé corresponde à l’attente de l’électeur.

Faire confiance aux électeurs et électrices, croire en la sagesse du corps électoral, est toujours difficile.

À la fin du XIXe siècle, le marquis de l’Estourbeillon expliquait : « Le vote non assisté peut devenir un vote débridé, celui d’une masse inorganique, assez proche de ce que représente une foule, rassemblement d’individus abandonnés à leurs passions, à leurs vices, à leur vulgarité. » §Le suffrage universel et l’isoloir avaient suscité des réflexions similaires. Encore aujourd’hui, il n’est pas rare que s’expriment des craintes de voir les électeurs « s’emmêler les pinceaux » dans les différents types de scrutins.

Et je ne parle pas du vote des femmes, qui ne « savaient pas penser », ou allaient « voter comme leur mari ». Certains débats dans cet hémicycle me font parfois penser que cette idée n’a pas totalement disparu…

Il en est de même pour le vote blanc. Pourtant, le 28 avril 1983, les membres du groupe socialiste signaient la proposition de loi du sénateur René Chazelle visant à intégrer les bulletins blancs dans la catégorie des suffrages exprimés.

Après un passage… à blanc de trente ans, les écologistes invitent donc les socialistes, mais aussi tous les sénateurs, à renouveler leur foi dans les électeurs.

Car il ne faut pas avoir peur de l’électeur quand il a le choix. L’électeur n’est pas notre ennemi ; il est notre partenaire, nous le représentons et, dès lors, il doit être totalement libre d’exprimer son opinion. Si l’électeur veut indiquer qu’aucun des candidats, des partis, des listes ou des propositions référendaires en présence ne lui sied, son opinion doit pouvoir être reconnue, c’est-à-dire non pas seulement comptabilisée, mais aussi prise en compte.

Le groupe Sexion d’Assaut chante : « Qu’est-ce qu’on fait devant Nico et Marine ? On ne vote pas ! » Il faut faire mentir la chanson : seul le vote blanc considéré comme suffrage exprimé permettrait aux citoyens et citoyennes qui ne se reconnaissent pas dans une telle alternative de retrouver le chemin des urnes et de participer ainsi à la vie politique, et donc à la construction de leur avenir. Je vous avoue que je ne connaissais pas ce groupe et que ce sont mes assistants qui m’ont signalé l’existence de cette chanson.

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