Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 28 février 2013 à 15h00
Vote blanc — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’adhésion du plus grand nombre, sinon aux décisions, du moins au processus de décision participe de la quête d’une démocratie parfaite.

Cette quête s’engage d’abord par la reconnaissance du droit de tous ceux qui vivent dans nos villes, dans nos villages ou qui, hors de France, appartiennent à notre communauté nationale de s’exprimer par le vote sur les sujets qui les concernent.

Les hommes, les femmes longtemps après, les jeunes de dix-huit ans ensuite, les ressortissants communautaires enfin, pour les élections municipales, se sont vu reconnaître le droit de participer à la vie de la cité. La reconnaissance du droit de vote des étrangers non communautaires aux élections, adoptée au Sénat il y a plus d’un an, constituerait d’ailleurs le parachèvement de cette démarche.

Cependant, cette ouverture de droit ne fait pas tout : force est de constater que l’abstention, le refus d’exprimer un vote progressent. Ce phénomène traduit l’existence d’un doute vis-à-vis des acteurs de la vie politique ou, plus largement, d’un doute sur la capacité de la volonté politique à exprimer concrètement les promesses et à obtenir des résultats.

Afin de lutter contre cette défiance, nous, parlementaires, devons faire en sorte que notre action politique soit en harmonie avec nos engagements et nos paroles, montrer à chaque instant quels sont nos objectifs et comment nous souhaitons les atteindre. Nous devons également nous interroger sur la capacité de nos institutions à répondre à ces attentes, ainsi que sur la pertinence du cadre dans lequel nous menons notre action.

Toutes ces interrogations se retrouvent aujourd’hui au cœur des débats sur le pilotage politique des orientations économiques de la zone euro, sur la nature du contrôle démocratique qu’il convient de mettre en place et sur les orientations de l’Europe.

Quel est l’objet de cette proposition de loi ? Elle vise à permettre de comptabiliser les votes blancs sans pour autant les intégrer aux suffrages exprimés.

Une telle formule permet non seulement de ne pas modifier nos équilibres institutionnels, mais aussi d’éviter que ne soient proclamés élus des candidats n’ayant pas obtenu 50 % des suffrages exprimés, car cela obligerait de surcroît à modifier la Constitution.

Pourquoi instaurer la reconnaissance du vote blanc ? Voter blanc, ce n’est ni de l’abstention ni de l’indifférence. Sénateur des Français établis hors de France, je sais combien de centaines, parfois de milliers de kilomètres doivent parcourir nos concitoyens résidant à l’étranger afin de voter. Cet effort pour aller jusqu’à l’urne doit être reconnu, même si le choix politique offert aux électeurs ne leur convient pas. Je rappelle qu’en 2012, par exemple, ils ont dû se déplacer quatre fois, à l’occasion des deux tours de scrutin de l’élection présidentielle, puis des élections législatives. Je signale au passage que le vote par internet n’a été possible que pour les élections législatives.

Reconnaître le vote blanc, c’est donc reconnaître la valeur de l’effort qui est fait pour se déplacer jusqu’à l’urne.

Gardons-nous cependant de chercher à « normer » la contestation ou à faire entrer tous les insatisfaits du système dans un cadre donné. On pourrait imaginer, par exemple, des bulletins de couleurs différentes selon les orientations politiques permettant de barrer le nom du candidat. Ce faisant, l’électeur signalerait que le choix du candidat ne lui convient pas, mais qu’il reste fidèle à ses convictions. Aujourd’hui, s’il est difficile de se déplacer jusqu’au bureau de vote et que l’offre politique n’est pas satisfaisante, l’électeur désabusé, insatisfait, ne vient pas !

Cependant, accorder une place trop importante au vote blanc risque de transformer le sens de l’élection. Une élection, en effet, consiste non pas à exprimer un état d’âme mais à opérer un choix en fonction d’un dispositif retenu par nos institutions. Si nous dénaturons cet esprit-là, le sens de l’élection est changé : ce serait un danger pour la démocratie.

La réalité oblige à dire que, en fin de compte, l’absence de vote, le vote nul et le vote blanc ont le même effet sur le résultat de l’élection : ne pas exprimer son suffrage revient à laisser aux autres le soin de choisir ; c’est se comporter comme si le choix offert, c’était « bonnet blanc ou blanc bonnet », selon la formule de Jacques Duclos.

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