D'ailleurs, cela a été dit par tous les intervenants.
Néanmoins, aujourd'hui, c’est plus souvent le candidat ayant perdu l’élection qui est amené à évoquer l’importance du vote blanc. En observateur objectif de la vie politique, vous savez que, pour le perdant, la tentation est grande, au soir du second tour, d’émettre des commentaires sur le nombre de voix recueillies par le vainqueur… Doit-on aujourd'hui donner la possibilité d’affaiblir le résultat des élections ? Doit-on courir ce risque ? Loin d’être constructive, une telle démarche me semble problématique.
On touche là au cœur du débat : au fond, derrière la question de la reconnaissance des suffrages exprimés, c’est tout le problème de la démocratie représentative qui est posé. Si le système pour lequel nous avons collectivement opté jusqu’à présent a ses défauts, nous devons préserver le consensus républicain.
En tout cas, il faut être extrêmement prudent avec les évolutions susceptibles de servir ceux dont la vision de la démocratie diffère de la nôtre, les populistes tenants de la démocratie directe, laquelle, au départ, repose toujours sur la remise en cause de la démocratie représentative. On sait sur quoi une telle vision peut parfois déboucher ! De ce point de vue, les événements récemment intervenus dans un pays voisin doivent nous amener à bien réfléchir… Sans doute nos désaccords sont-ils nombreux, mais nous devons nous rassembler sur la défense de la démocratie représentative, qui fait l’objet d’un consensus républicain.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si vos qualités individuelles sont grandes, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, votre pouvoir de prendre des décisions et de faire la loi ne repose pas sur ces dernières. Il ne repose ni sur votre courage, ni sur votre personnalité, ni sur vos compétences ; il ne repose que sur la légitimité que vous confère le suffrage de vos électeurs.
Je le répète, tout ce qui peut affaiblir cette légitimité ou permettre de la contester pose un problème de fond au regard de la démocratie représentative. Chacun doit être conscient qu’il s’agit là du cœur du sujet.
Monsieur Leconte, je vous remercie de votre soutien. Vous l’avez dit, le vote blanc n’est pas l’indifférence. Nous sommes bien d’accord sur ce point, et je pense que c’est une opinion partagée ! En effet, le vote blanc peut avoir une signification politique. En prévoyant d’identifier le vote blanc dans les résultats, la présente proposition de loi permettra que le message ainsi adressé aux partis politiques ou aux candidats soit clairement délivré. C’est là tout son intérêt.
Dans le même temps, vous avez eu raison de rappeler qu’une élection consiste à faire un choix, et non pas simplement à exprimer un état d’âme.
Madame Cukierman, vous avez bien posé les termes du débat. Vous avez formulé des hésitations : sachez qu’elles sont partagées par tous ceux qui ont eu à réfléchir sur cette question.
Permettez-moi toutefois d’apporter une nuance à vos déclarations. Comme M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois pourraient probablement le confirmer, il n'y a pas de lien établi entre le mode de scrutin et l’existence du vote blanc. Autrement dit, la réponse à l’abstention ne réside pas forcément dans le passage d’un scrutin majoritaire à un scrutin proportionnel : quels que soient les systèmes que l’on utilise, les comparaisons internationales – et même internes puisque plusieurs modes de scrutin cohabitent en France – montrent que l’existence du vote blanc et son émergence relèvent d’une autre explication que celle que vous avez exposée.
Monsieur Détraigne, vous soutenez le texte, et l’on imaginerait mal qu’il eût pu en aller autrement. §
Vous vous êtes demandé si la reconnaissance du vote blanc, telle qu’elle est proposée aujourd'hui ou, plus tard, de manière plus aboutie, serait de nature à faire revenir les électeurs abstentionnistes vers les urnes. Cela reste une interrogation au regard de ce qui se passe dans des pays qui ont adopté d’autres systèmes, en allant parfois beaucoup plus loin – je pense au vote obligatoire.
Tout cela n’empêche pas, malheureusement, que certaines personnes se sentent, d’une certaine façon, en dehors du système, si bien que, quelle que soit la proposition institutionnelle qui leur est faite, elles ne participent pas aux scrutins. Cette distance entre certains citoyens et le processus démocratique ne trouve donc pas sa réponse dans un mode électoral, ni dans des règles établissant des contraintes, ni même dans la reconnaissance du vote blanc.
Vous m’avez interrogé, monsieur le sénateur, sur l’usage des machines à voter. Ainsi que M. le rapporteur et vous-même l’avez relevé, celles-ci démontrent effectivement qu’il ne faut pas exagérer les conséquences du décompte du vote blanc puisqu’elles n’induisent pas de différences significatives à cet égard selon qu’elles sont ou non utilisées dans les bureaux de vote d’une même circonscription.
Vous avez donné certains exemples et je me permets d’en donner un autre. Il se trouve que l’une des premières communes de France à avoir adopté des machines à voter se situe dans ma circonscription : Mimizan, station balnéaire bien connue. M’étant posé la question des effets de cette technique sur le vote, je dois dire que je n’ai observé aucune différence quant au taux de participation ou au nombre de votes blancs.
Cela montre que ces machines ne font pas peur aux électeurs, mais que, à l’inverse, elles ne conduisent pas à améliorer la participation, non plus qu’à accroître le nombre de votes blancs. Certes, on peut juger que le nombre de machines est insuffisant pour permettre d’établir des séries statistiques pertinentes, mais force est de constater que, au regard de la participation et du vote blanc, les mêmes résultats sont enregistrés régulièrement et depuis assez longtemps dans une commune comme Mimizan.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai que ce débat est utile et que, nonobstant les importantes questions juridiques et constitutionnelles soulevées par la reconnaissance du vote blanc dans les suffrages exprimés, un pas est possible. Certains penseront que ce n’est qu’un petit pas, mais il n’y a aucune raison de ne pas l’effectuer aujourd'hui dès lors que la distinction entre votes nuls et votes blancs fait ici l’objet d’un consensus républicain. Le Gouvernement soutient cette démarche. §