Le livre numérique est encore cher. L'égalité de prix avec le livre papier, qui le met à un niveau élevé, bloque le développement de ce support. Les éditeurs doivent y réfléchir. Le coût marginal de la réalisation d'une copie numérique est nul et ne relève pas du même modèle économique que la réalisation d'un livre papier. Nous nous préoccupons aussi de notre réseau de libraires. Aux États-Unis, en Grande-Bretagne, l'essor de la consommation de livres numériques a fait disparaître le réseau de distribution physique, à commencer par les grandes chaînes comme Barnes & Noble. Nous devons y réfléchir, avec les distributeurs de produits culturels, la Fnac, les Centres Leclerc et les libraires indépendants, auxquels les Français sont très attachés.
Madame Laborde, vous présidez le groupe d'amitié France-Irlande. Les Irlandais subissent aussi la baisse des recettes fiscales, qui sont insuffisantes, du fait du taux très bas de l'impôt sur les sociétés pratiqué en Irlande. Le produit fiscal de Google est certainement très faible. Mais les Irlandais sont très attachés à l'écosystème dynamique qui a créé beaucoup d'emplois et d'activités dans le sillage de Google.
J'ai rencontré plusieurs fois l'ambassadeur d'Irlande : la fiscalité est un sujet un peu touchy. La concurrence fiscale entre États européens est un vrai problème. Les pratiques du Luxembourg sont encore plus agressives. Le taux de TVA s'y négocie : nous ne savons pas combien Apple paie, sans doute entre 2 % et 12 %. La règle de l'unanimité rend difficile tout progrès en la matière.
J'en viens à la photographie, madame la Présidente. Je l'ai dit, l'approche catégorielle me gêne, car elle évince des secteurs qui attirent moins l'attention que d'autres. C'est le cas de la photographie, mais aussi de la bande dessinée, ou du jeu vidéo, où la France dispose de champions mondiaux, comme Ubisoft, qui se trouvent un peu mis à l'écart. L'idée du rapport Lescure est d'embrasser toutes les problématiques. Je ne sais pas s'il aborde en particulier celle de la photographie, qui est sans doute très différente de celles de l'audiovisuel ou de la musique. Il ne faut laisser aucun secteur en marge.
La réflexion sur la protection des droits d'auteur doit tout embrasser. La BD a été pillée, personne n'en parle ! Beaucoup de sites se réfugient derrière leur statut d'hébergeur, mais si on leur signale un contenu illicite, ils ont obligation de le retirer. Le problème est qu'ils ne le font qu'au bout d'une semaine, après que le contenu a été vu un million de fois, téléchargé, copié, etc. Et encore, je ne parle que des sites licites, avec les sites illégaux, c'est encore plus compliqué ! Quand Megaupload a été fermé, la vidéo à la demande et le téléchargement légal ont fait un bond significatif. Il faut encourager le développement de l'offre légale, tout en réfléchissant aux prix pratiqués : payer 10 euros par mois pour des sites de téléchargement de musique comme Deezer, ce peut être beaucoup pour le budget d'un jeune ou d'un étudiant. Décliner une offre différenciée, cela entraîne des coûts de marketing, de recherche, d'innovation, qui supposent des moyens, que les entreprises doivent développer. Elles doivent être accompagnées à cette fin, pour pouvoir proposer une offre légale attractive. C'était l'une des missions d'Hadopi. J'espère que la commission Lescure sera offensive en la matière.