Intervention de Mathilde Lemoine

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 mars 2013 : 1ère réunion
Audition de Mme Mathilde Lemoine candidate proposée par le président de la commission des finances du sénat pour le haut conseil des finances publiques

Mathilde Lemoine :

J'ai pleinement conscience que mes prises de position en tant qu'économiste, relatives à la situation de la France ou de la zone euro, auront désormais une résonance particulière compte tenu de mon appartenance au Haut Conseil. C'est pourquoi la prudence sera de mise. Je garde toutefois ma liberté d'économiste, qui consiste à publier pour la banque qui m'emploie. Au risque de vous faire une réponse incomplète, je vous dirai qu'il n'y a pas d'incompatibilité. Dans les prévisions que je publie, je donne toute leur importance aux analyses sous-jacentes. Le Haut Conseil ayant une mission de mise en lumière des analyses et hypothèses des divers organismes, il n'y aura guère matière à publication « dissidente ».

Je ne crois pas qu'il soit dans le rôle du Haut Conseil que de rebâtir toute la trajectoire de PIB potentiel. Il aura davantage pour rôle, je le répète, de mettre l'accent sur les hypothèses et les analyses - il demandera par exemple au Gouvernement comment il calcule la productivité globale des facteurs. S'il n'obtient pas de réponses articulées, il pourra considérer que le PIB prévisionnel n'est pas prudent.

Il recommandera la prudence, proposera des fourchettes, mais ne définira aucune trajectoire. Et le Gouvernement intégrera ou non cette prudence. Le Haut Conseil ne détient pas la vérité mais des compétences techniques pour éclairer le Gouvernement et le Parlement. Le débat pourra s'engager à toutes les étapes du processus : dans le passage du PIB potentiel au PIB structurel par exemple, il y a un certain nombre de conventions, des élasticités fournies par l'OCDE, qui pourront être discutées.

Cette approche est conforme à la mission du Haut Conseil telle que définie au plan européen : il n'a pas à dire « oui » ou « non », mais à produire un avis étayé, convaincant, afin de contribuer à l'harmonisation des procédés de prévision et à la cohérence des trajectoires de moyen terme des Etats membres de la zone euro. Mais au niveau de la zone euro, la décision appartient aux chefs d'Etat, non à des organismes comme le Haut Conseil des finances publiques ! Et je ne voudrais pas qu'il tombe dans le travers des experts qui estiment savoir mieux que les décideurs.

S'agissant des circonstances exceptionnelles, je suis, là encore, en retrait par rapport à la position exprimée par Michel Aglietta. Je me réfère à la définition inscrite dans le Pacte budgétaire. Ce qui a été décidé par l'Union européenne et les Etats concernés, c'est d'améliorer la soutenabilité des finances publiques, qui n'est à mon sens pas une notion de court terme. A moyen terme, le taux de croissance nominal doit être supérieur au taux d'intérêt nominal. Il existe de multiples modalités pour y parvenir.

La responsabilité du Haut Conseil est lourde, comme celle de ses membres. Il devra faire preuve de prudence et fournir le mode d'emploi de ses avis, sans les édulcorer, ni donner le sentiment qu'il existe une vérité et que tout autre prévision serait insincère.

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