Intervention de Yann Sourisseau

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 14 mars 2013 : 1ère réunion
Prostitution et proxénétisme — Audition de M. Yann Sourisseau commissaire de police chef de l'office central pour la répression de la traite des êtres humains ocrteh à la direction centrale de la police judiciaire dcpj

Yann Sourisseau, commissaire de police, chef de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) à la Direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ) :

Oui, cela fonctionne, mais c'est compliqué parce qu'il faut éviter, naturellement, que le proxénète sache que la prostituée nous a parlé. Cela prend donc du temps : on va initier une enquête pour identifier le proxénète et d'autres victimes et on ne convoquera pour témoigner celle qui a parlé que lorsque le proxénète aura été interpellé.

Mais l'interpellation pour délit de racolage peut aussi être utilisée autrement, comme nous l'avons fait, par exemple, à Bordeaux pour démanteler des réseaux nigérians. Quand on constate la présence de plusieurs prostituées dans un secteur on les observe un peu, on essaie de repérer celles qui ont l'air d'organiser les choses, les « premières filles ». Puis, en accord avec les services locaux, on les interpelle toutes, on prend des photos, des empreintes, on récupère des numéros de portable. Dans l'immédiat, bien sûr, cela ne donnera rien et tout le monde sera libéré après un rappel à la loi. Mais nous pourrons demander une enquête préliminaire, des écoutes téléphoniques, qui nous permettront d'établir les liens entre les « premières filles » et le proxénète et d'identifier celui-ci.

C'est un travail de fourmi, que nous ne pourrions pas faire si l'interpellation pour délit de racolage ne nous permettait pas de recueillir les renseignements indispensables pour mener ce genre d'enquête.

Si le racolage redevenait une contravention, nous ne pourrions pas vérifier l'identité des prostituées ni recueillir de renseignements utiles. Nous leurs remettrions un timbre de contravention, qu'elles pourraient d'ailleurs se dispenser de payer puisque nous ne saurions pas où les trouver. Et même si elles le payaient, quel serait l'intérêt de créer un second « droit de trottoir » au profit de l'État ?

On pourrait songer, en revanche, à élargir la définition du racolage pour qu'elle puisse s'appliquer aux annonces sur Internet ou par affichettes sur le mobilier urbain. Et il faudrait pouvoir poursuivre pour complicité les fournisseurs d'accès et les diffuseurs d'annonce.

Il y a des sites d'annonces qui ont leur siège en France. Certains coopèrent avec nous : s'ils reçoivent trente petites annonces réglées avec la même carte bancaire, soit ils les suppriment, soit ils nous préviennent et nous pouvons initier une enquête.

Mais s'ils ne veulent pas coopérer, ils peuvent prétendre qu'ils n'ont pas les moyens de savoir ni de vérifier si les annonces qu'ils mettent en ligne sont liées à une activité de prostitution.

En ce qui concerne les hôtels, l'obligation de tenir un registre des hôtes étrangers est tombée en désuétude, alors qu'elle existe toujours à l'étranger comme nous pouvons tous le constater lors de nos déplacements : on note les références des étrangers, on leur demande une pièce d'identité, qu'on doit quelquefois laisser jusqu'au lendemain.

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