Cet amendement vise à attirer l’attention du Sénat sur l’intérêt d’empêcher des sénateurs ou députés représentant les Français établis hors de France de briguer un mandat de conseiller consulaire.
Une telle interdiction de cumul s’inscrit dans le souci de développement de la démocratie de proximité affiché par le présent projet de loi. Dans la mesure où le nombre de conseillers consulaires par circonscription demeurera restreint et où certains de ces derniers auront à couvrir de vastes circonscriptions, il est d’autant plus important qu’ils résident à plein-temps dans la circonscription.
Un parlementaire, s’il veut exercer correctement le mandat national pour lequel il a été élu, devra, lui, passer une partie importante de son temps à Paris, au détriment de la circonscription consulaire dans laquelle il pourrait être élu.
De ce point de vue, le cumul entre un mandat local et un mandat national pour les parlementaires représentant des circonscriptions françaises apparaît beaucoup moins problématique que pour les élus des Français de l’étranger. Un Nice-Paris ne prend guère plus d’une heure en avion, et son coût pour les finances publiques demeure limité. On ne peut en dire autant d’un aller-retour régulier entre Paris et Sidney.
Les onze députés représentant les Français de l’étranger ont déjà à résoudre cette équation complexe. Laissons-leur le monopole de ce grand écart permanent entre les circonscriptions à l’étranger et le travail parlementaire parisien.
D’ailleurs, si le rapport Jospin préconisait de réduire de onze à deux le nombre des députés des Français de l’étranger, c’est largement en raison du constat de la difficulté pratique à mener pleinement cette double tâche.
On m’objectera qu’il est préférable d’aligner autant que possible le sort des élus des Français de l’étranger sur celui des élus métropolitains et qu’il faut donc attendre une future, pour ne pas dire hypothétique, loi sur le cumul des mandats pour résoudre ce problème.
Cet argument me semble inopérant. La loi sur le cumul des mandats ne devrait interdire aux parlementaires que le cumul avec une fonction exécutive locale. Or un poste de conseiller consulaire est – hélas ! – bien loin de s’apparenter à une telle fonction.
Il est donc de notre responsabilité de tenir compte de la spécificité irréductible du mandat des élus des Français de l’étranger, qui sont, eux aussi, des élus de terrain. Ne nous abritons pas derrière une loi future pour ne rien faire, car nous savons pertinemment qu’elle ne résoudra en rien le problème ici soulevé.
On m’objectera aussi que c’est aux électeurs de faire preuve de sagesse, en refusant leur suffrage aux candidats cumulards.
Là encore, l’argument est fallacieux. La concurrence est faussée par la disproportion des moyens de campagne. Alors que le projet de loi refuse aux candidats aux conseils consulaires, et même à ceux qui atteignent la barre de 5 % des suffrages, le remboursement de leurs frais de transport durant la campagne, les parlementaires, eux, ont accès à la liste des adresses électroniques de l’ensemble des électeurs de la circonscription et disposent d’une confortable enveloppe pour couvrir leurs déplacements de campagne.
La concurrence est aussi biaisée par l’aura conférée par un mandat national. Les électeurs consulaires considèreront, à juste titre, d’ailleurs, qu’un parlementaire aura davantage de moyens pour se déplacer dans la circonscription et faire connaître les besoins de ses électeurs à Paris.
Une telle logique ne peut qu’aller à l’encontre de l’intérêt des électeurs non situés au sein de cette circonscription consulaire. Si le député représentant l’Europe du Nord se présente au conseil consulaire de Londres, il tendra à favoriser les électeurs londoniens au détriment de tous les autres électeurs de sa circonscription.
La situation sera encore pire pour les sénateurs cumulards, puisque les sénateurs des Français de l’étranger, eux, sont censés représenter l’ensemble des Français établis hors de France, sans limite géographique. Ce serait pervertir le système que les encourager à ne favoriser qu’une petite circonscription consulaire. En effet, c’est bien le rôle du législateur de défendre l’intérêt général.