Intervention de Ronan Kerdraon

Commission des affaires sociales — Réunion du 20 mars 2013 : 1ère réunion
Instauration du 27 mai comme journée nationale de la résistance — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon, rapporteur :

Voilà bientôt soixante-dix ans, le 27 mai 1943, Jean Moulin réalisait l'union politique de toute la Résistance derrière le général de Gaulle en présidant la première réunion du Conseil national de la Résistance (CNR) non loin d'ici, au 48 rue du Four. Les huit mouvements de résistance les plus importants, les six grandes tendances politiques représentatives de la France non collaborationniste et deux centrales syndicales s'accordaient pour soutenir le fondateur de la France libre et travailler à la construction de la France d'après-guerre. Le CNR devenait ainsi la première assemblée représentative française depuis le vote par le Parlement des pleins pouvoirs au maréchal Pétain le 10 juillet 1940.

Avec la disparition récente de plusieurs des dernières grandes figures de la Résistance comme Stéphane Hessel, Robert Galley, Gisèle Guillemot, Jean-Louis Théobald, qui fut agent de liaison entre Jean Moulin et le général Delestraint, ou encore Raymond Aubrac, les témoins directs de cette période se font de plus en plus rares. La préservation de cette mémoire et la transmission des valeurs pour lesquelles tant de femmes et d'hommes se sont battus revêtent une importance particulière.

La proposition de loi de Jean-Jacques Mirassou ne peut que faire consensus. La création d'une journée nationale de la Résistance s'inscrit dans la continuité des initiatives prises depuis le début des années 2000, par des gouvernements de tous bords politiques, pour enrichir le calendrier mémoriel national et consacrer le devoir de reconnaissance de l'Etat envers celles et ceux qui l'ont servi ou qui ont été les victimes des politiques discriminatoires qu'il a pu mener.

Comment nier le rôle essentiel de la Résistance dans le redressement de la nation après l'infamante défaite de 1940 et la collaboration qui en a été la conséquence ? Comment nier que nous avons tous une dette envers ceux qui ont pris les armes ou la plume contre l'occupant et qui ont choisi de désobéir ? Les controverses historiographiques, encore vives naguère, se sont désormais apaisées.

Il y a un très large accord pour fixer la journée nationale de la Résistance au 27 mai, date anniversaire de la création du CNR. Aucune des personnes auditionnées n'a mis en doute la légitimité de cette date ou suggéré une date alternative. Elle marque en effet l'union de la résistance intérieure et de la France libre, grâce à l'action de Jean Moulin. L'historien Jean-Pierre Azéma l'a souligné : l'unification politique des résistances, avant que ne se développent la résistance armée et les maquis, a préservé la France des sanglantes luttes pour le pouvoir qui ont suivi la libération d'autres Etats comme la Grèce ou la Yougoslavie.

Une fois le principe de la journée nationale de la Résistance posé à l'article 1er, l'article 2 précise qu'elle aura lieu le 27 mai et ne sera ni fériée, ni chômée.

L'article 3 traite du rôle dévolu à l'éducation nationale dans cette journée anniversaire. C'est l'un des aspects essentiels de ce texte. En effet, au-delà des cérémonies officielles qui seront organisées dans chaque département, c'est en direction de ceux qui ne connaissent la Résistance qu'à travers les manuels d'histoire ou les oeuvres de fiction qu'un travail particulier doit être entrepris.

L'histoire de la Résistance fait déjà partie du programme scolaire à l'école, au collège et au lycée. Après la découverte de la figure de Jean Moulin en CM2, elle est longuement abordée en classe de troisième puis ensuite, selon les filières, en première. En outre, le concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD), organisé depuis plus de cinquante ans avec l'aide des associations d'anciens résistants, du ministère de la défense et de l'Office national des anciens combattants (Onac), est avec près de 40 000 participants chaque année le premier de tous les concours scolaires. Unanimement salué pour ses vertus pédagogiques et civiques, il doit être développé, même s'il ne semble pas possible de le faire coïncider avec le 27 mai.

Il faut donner la possibilité aux établissements scolaires volontaires et aux équipes pédagogiques qui le souhaitent d'approfondir, à l'occasion de la journée nationale de la Résistance, les travaux réalisés sur ce sujet avec leurs élèves. Je vous proposerai à cet article un amendement qui définit mieux son champ et insiste sur le caractère incitatif de cette démarche. Nous avons tous encore en mémoire la polémique autour de la lecture obligatoire en classe de la lettre de Guy Môquet. Le risque de confusion entre émotion, mémoire et histoire a pu susciter des craintes légitimes chez les enseignants.

Le programme du CNR a préfiguré les grandes réformes sociales de l'immédiat après-guerre. Ses valeurs constituent encore le ciment de notre société. Ce sont sur elles que doivent porter les actions éducatives qui seront organisées à l'occasion de la journée nationale de la Résistance. Si le législateur contribue à ce que tous les jeunes les découvrent et les adoptent, alors il se sera montré digne de sa fonction.

Nous approchons des commémorations du soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'année 2013 est placée sous le signe de l'hommage à la résistance intérieure, qui s'affirme comme une force politique et militaire réelle à partir de 1943. Avant les commémorations de 2014, qui célébreront la libération du territoire et la restauration de la souveraineté nationale, l'anniversaire de la création du CNR et de la mort de Jean Moulin ainsi que la formation de l'armée des ombres sont au coeur du programme mémoriel établi par le ministère de la défense. Par cette proposition de loi, nous pouvons donner un caractère pérenne à cet hommage tout en soulignant la spécificité du 27 mai prochain, auquel les plus hautes autorités de l'Etat attachent une très grande importance.

L'institution d'une journée nationale de la Résistance, portée par de nombreuses associations du monde combattant, est en outre une demande de longue date des parlementaires des deux chambres et de toutes les familles politiques. Dès 1978, Philippe Seguin déposait une proposition de loi visant à créer une journée nationale d'évocation de la Résistance et de la France libre. De nouvelles initiatives eurent lieu dans les années 1990 et 2000. Cosignée par vingt-sept membres de la majorité sénatoriale d'alors, dont plusieurs siègent encore dans notre commission, celle notre ancien collègue André Vallet, en décembre 2006, instituait une journée célébrant la date de la première réunion du CNR. Celles de Gisèle Printz, puis de Guy Fischer, en 2007, instauraient une journée nationale de la Résistance en direction de la jeunesse.

Des élus socialistes, communistes, de la droite et du centre ont soutenu l'instauration d'une journée d'hommage à la Résistance. Le choix du 27 mai est partagé par toutes les initiatives récentes. Il faut se réjouir de l'existence d'un tel consensus politique. Sa rupture serait difficilement compréhensible alors que le projet qu'il porte est sur le point d'aboutir.

Je ne vous invite pas à adopter une loi mémorielle qui prescrirait une vision officielle de l'histoire ou sanctionnerait les critiques de faits historiques établis, ni à alourdir de manière superflue le calendrier commémoratif officiel : la journée nationale de la Résistance n'est en rien redondante avec les dates qui y figurent déjà. Je vous propose plutôt que la République reconnaisse enfin la spécificité de l'engagement de celles et ceux qui ont rejoint la résistance intérieure alors que le pays était occupé et que la collaboration avait été institutionnalisée par l'Etat français du maréchal Pétain. 88 000 personnes furent déportées pour ces faits et 35 000 ne revinrent jamais des camps. Plusieurs milliers d'autres furent exécutées. Elles ne doivent pas tomber dans l'oubli. Il nous faut rappeler l'actualité des valeurs pour lesquelles elles se sont battues.

René Char écrivait que « Résistance n'est qu'espérance ». Dans les heures les plus sombres de notre histoire, les résistants ont refusé la résignation et ont placé leur attachement à la souveraineté de l'Etat et au respect des libertés fondamentales au-dessus de leur propre vie. Rendons hommage à cette croyance infaillible dans les idéaux républicains.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion