MLP partage le souci de préserver le marché de la distribution par la vente au numéro, enjeu économique et social capital. Les seuls acteurs de la distribution représentent plus de 70 000 emplois directs, dont 3 % au sein de Presstalis : 1 700 au niveau 1, 2 500 au niveau 2, et 70 000 au niveau 3 répartis sur 28 000 points de vente - les 45 000 emplois chez les 12 000 diffuseurs traditionnels ou spécialistes de la presse sont menacés par l'affaiblissement du secteur.
Aux milliers d'emplois indirects chez les transporteurs et sous-traitants divers, il faut ajouter les emplois en amont (journalistes, commerciaux, personnels administratifs des éditeurs, imprimeurs, marchands de papier, etc.).
Des erreurs de diagnostic relatives à la situation du marché ont conduit à administrer des remèdes inefficaces, voire susceptibles d'aggraver le mal. Les éditeurs de presse magazine assurent 80 % de l'activité de la vente au numéro et plus de 90 % de ses charges ; ils ne seront bientôt plus en mesure d'assumer la péréquation de près de 50 % des charges spécifiques des quotidiens.
L'affaiblissement et la détérioration de la presse magazine constituent de loin les premières menaces pour la presse quotidienne, qui assure 80 % de l'économie des dépôts et des diffuseurs. Sans une presse magazine forte, la presse quotidienne serait dans l'impossibilité de compter sur le niveau 2 et sur le réseau capillaire des diffuseurs spécialistes de la presse, qui assument 60 % de ses ventes. Ainsi, opposer des catégories de presse dans un réseau mutualisé menace la stabilité de l'édifice.
Un plan de restructuration ou de consolidation du secteur ne tenant compte que de Presstalis menacerait l'ensemble du secteur, et Presstalis elle-même. Celle-ci doit être intégrée dans le plan, mais ne pas en être l'élément central ou unique. Parce qu'il est structurant, en France comme à l'étranger, l'organisation de la distribution de la presse doit reposer sur un niveau 2 fort, restructuré et concentré dans le cadre du schéma directeur régional adopté par le CSMP. Or le plan Presstalis prévoit une sous-traitance intégrale de la presse magazine à des tiers, sans valeur ajoutée compétitive, alors que MLP continue à intégrer ce savoir-faire dans de meilleures conditions.
Le diagnostic stratégique est clair : sur l'activité du niveau 1, le seul savoir-faire différenciant intégré au périmètre Presstalis est le monopole de distribution des quotidiens, un marché appelé à une forte contraction, du fait même de la stratégie des éditeurs de quotidiens. En sous-traitant l'intégralité de son activité logistique de niveau 1 pour les magazines, Presstalis ne se positionne plus comme un acteur industriel de sa distribution, elle joue de la péréquation pour amortir ses charges de structure, d'ailleurs non évaluées. Au passage, elle neutralise la concurrence de MLP et toute alternative concurrentielle nouvelle en faveur des magazines. Cette position, inquiétante pour tout le secteur, ne fera que repousser l'échéance inévitable d'une restructuration plus sévère encore.
Si Presstalis prépare son retrait du niveau 1, elle devrait rester un acteur référent sur le niveau 2. Le modèle économique de celui-ci peut et doit évoluer, en assurant la pérennité de Presstalis indépendamment de sa position sur le niveau 1. L'avenir de Presstalis passe sans doute par la réussite du schéma directeur du niveau 2 et la consolidation économique de son activité sur ce secteur essentiel de la distribution et les relais de croissance qu'il offre.
Ce n'est pas la taille du marché qui conditionne le nombre d'acteurs possible sur le niveau 1, mais bien leur mission et leur savoir-faire. Sur des marchés comparables ou plus petits, il y a à l'étranger plus de distributeurs nationaux qu'en France : 8 en Allemagne, 11 au Royaume-Uni, 4 en Espagne, 6 en Italie, 2 en Belgique, dont le plus petit réalise moins de 10 % du chiffre d'affaires national.
La vente au numéro de la presse et des publications assimilées distribuées par les messageries représente un marché de l'ordre de 2,2 milliards d'euros en 2012. Les ventes de quotidiens assurées par Presstalis rapportent 450 millions d'euros de chiffre d'affaires, 1 200 millions d'euros pour les magazines et hors presse, contre 590 millions d'euros pour MLP sur ce segment.
La presse quotidienne réalise environ 18 % du marché de la vente au numéro, partant de l'activité de l'ensemble des distributeurs, tous niveaux confondus. Il y a autant de cahiers des charges logistiques et commerciaux que de quotidiens, ce qui grève lourdement leur coût collectif de distribution. Les quotidiens font de plus en plus rapidement migrer leur distribution de la vente au numéro vers d'autres moyens : postage, portage, numérique, diffusion gratuite.
Alors que la presse magazine a accru la part de son chiffre d'affaires provenant de la vente au numéro, la presse quotidienne l'a réduite significativement. Selon la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), la part de la diffusion payée dans le chiffre d'affaires de la presse quotidienne est passée de 73,6 % à moins de 58,2 % en vingt ans. En 2012, les ventes payées au numéro constituaient moins de 45 % de la diffusion totale des quotidiens. La diffusion gratuite et par tiers représente désormais presque 38 % de la diffusion totale des ventes au numéro payées ; elle est même supérieure pour certains quotidiens nationaux. Si ces tendances se poursuivent, le modèle économique de la distribution de la presse, organisé pour elle mais lourdement contraint par les cahiers des charges de la presse quotidienne, sera fortement remis en question.
La situation du marché et les orientations stratégiques de la presse quotidienne rendent plus hypothétiques que jamais les choix de restructuration retenus pour le secteur en général, et pour Presstalis en particulier. L'absence sur le niveau 1 d'un cahier des charges unique pour la presse quotidienne, interdit de mutualiser les coûts de distribution et fait peser sur le secteur des charges désormais excessives.
Les coûts spécifiques des quotidiens incorporent des charges spécifiques et atypiques ; concédées par les ex-Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), elles sont désormais incompatibles avec la situation générale du secteur de la vente au numéro. C'est la raison pour laquelle MLP a contesté non pas le principe d'une contribution exceptionnelle sous forme de péréquation des charges réellement spécifiques aux quotidiens, mais le modèle retenu par le CSMP dont les mécanismes menacent tout autant MLP et la concurrence que la presse magazine dans son ensemble.