Intervention de Jean-Luc Domenach

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 mars 2013 : 1ère réunion
Situation intérieure et extérieure de la chine — Audition de M. Jean-Luc Domenach directeur de recherche au ceri-sciences po

Jean-Luc Domenach, directeur de recherche au CERI-Sciences Po :

Tout d'abord, je souhaite rappeler l'image forte de la France donnée par Jean-Pierre Raffarin lorsqu'il était Premier ministre lors de ses visites à Pékin. S'agissant de la corruption, sans présager de l'avenir, le pays ne semble pas avoir atteint le point culminant de sa lutte contre ce fléau. Sans porter atteinte au caractère sérieux de l'effort entrepris, il convient d'observer que jusqu'à présent, les mesures prises ont été dirigées vers des cibles symboliques, se limitant à des personnes appartenant à des niveaux très élevés. Or, dans ce contexte, il est aisé de remplacer une personne par une autre. Cette politique d'éradication de la corruption deviendra toutefois significative lorsqu'elle conduira à une purge massive de cadres moyens ou moyens supérieurs. La maladie est en effet si répandue qu'elle concerne des milliers de cadres. La question se posera alors de régler le problème de la légitimation de la punition imposée par des agents dont certains sont connus pour être corrompus. Il eut fallu modifier le nom et le rattachement de l'organe en charge de cette politique afin d'en accroître la légitimité.

En ce qui concerne les BRIC, j'adhère totalement à votre analyse, je la complèterai par le constat selon lequel les dirigeants chinois n'ont toutefois aucune illusion quant à leurs partenaires.

En ce qui concerne l'impact des dettes souveraines sur les exportations chinoises, la crise du marché européen ainsi que les incertitudes pesant sur le marché américain constituent une préoccupation considérable pour les dirigeants chinois. En effet, la paix sociale chinoise requiert une croissance rapide, de l'ordre de 7 % selon certains. Tout rythme de croissance inférieur ne permettrait pas de contenir le mécontentement de la population chinoise. Les pays européens ont donc une carte à jouer dans le domaine commercial, s'ils procèdent de manière unie.

En réponse à vos interrogations sur le marché intérieur et sur l'émergence d'une bourgeoisie, le camp des exportateurs est parvenu à résister à toute politique sociale visant à favoriser le marché de la consommation. En effet, ce dernier est plus difficilement contrôlable qu'un marché de production, d'investissement, ou d'exportations. Le développement de petites entreprises est imprévisible. En outre, il introduit un risque de prévalence des modèles occidentaux, par le biais des échanges, qui inquiète les dirigeants chinois.

Concernant la Corée du Nord, je tiens à souligner que c'est une affaire sino-chinoise qui donne lieu à des divisions au sein du pays. Une position minoritaire craint les excès de ce pays. Cependant, la position dominante a, jusqu'à présent, pour objectif de protéger le système nord coréen et empêcher la réunification du pays. En effet, l'armée chinoise est pro-coréenne depuis toujours en raison notamment des liens noués entre leurs services de renseignements respectifs. En outre, le maintien d'un pays divisé conduit à empêcher de faire émerger un concurrent économique redoutable.

Quant à l'avenir de la Chine dans quinze ans, nul ne peut le prévoir. Ce pays n'est caractérisé par aucune constance des phénomènes politiques à court terme ou à long terme. Ainsi, entre le VIème et VIIIème siècle, sa population a varié de deux millions à cent millions. La Chine est parvenue à rebondir et retrouver un chemin de développement après chacune des crises qu'elle a connues. De nombreuses incertitudes demeurent quant à son avenir en raison du manque de données la concernant. Enfin, les facteurs d'optimisme la caractérisant aujourd'hui peuvent se révéler être des éléments d'évolution négative.

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