Je suis la directrice éditoriale des éditions Plon qui appartient au groupe Editis, l'un des deux grands groupes en France avec Hachette, lesquels coexistent avec des maisons d'édition indépendantes.
Je suis un assez mauvais exemple, en ce domaine, dans la mesure où je n'ai pas rencontré, dans le déroulement de ma carrière, de difficultés liées au fait que je suis une femme. Cela ne veut cependant pas dire pour autant que ces difficultés n'existent pas.
Évoquons pour commencer la direction des grands groupes d'édition : celle-ci est exercée par des hommes, comme si l'on partait du principe que les femmes sont certes capables de lire, mais pas forcément de compter. Je disais un jour, par boutade, au président-directeur général du groupe Editis que je m'étonnais un peu qu'il n'ait pas recruté davantage de femmes dans son équipe mais que j'étais consciente que, c'est bien connu, nous n'étions évidemment pas capables de lire un compte d'exploitation ! Il s'est étonné de ma remarque et m'a avoué qu'il n'y avait pas pensé. C'est une réponse intéressante !
Quand on regarde le panorama actuel du monde de l'édition, on constate que peu de femmes assurent à la fois la direction financière et la direction éditoriale des maisons d'éditions ; au sein du groupe Editis, on n'en dénombre qu'une qui est en charge du secteur scolaire et universitaire ; on confie plutôt aux femmes un poste de directrice éditoriale mais elles sont aussi beaucoup présentes dans les directions juridiques et les services de ressources humaines.
La situation n'est pas meilleure au sein du groupe Hachette : il y a Isabelle Laffont à la direction de la maison d'édition JC Lattès et Teresa Cremisi chez Flammarion.
De ce fait, Odile Jacob et Nicole Lattès ont dû créer leur propre maison d'édition faute de se voir proposer un poste à leur mesure dans une structure existante.
S'agissant en revanche des possibilités de se faire éditer, le sexe de l'auteur n'est absolument pas pris en considération : seul compte le talent, et c'est heureux ! Cela dit, c'est surtout vrai pour la littérature romanesque, car je reconnais que dans le secteur des publications de type universitaire, en sciences humaines, philosophie ou analyses sociologiques, nous avons beaucoup plus d'auteurs masculins que féminins, alors pourtant qu'il existe beaucoup de femmes universitaires dans ces disciplines. Je ne m'en explique pas les raisons. La semaine dernière, une de mes éditrices m'a dit « j'ai une jeune philosophe sur un sujet original et intéressant ; et en plus, c'est une femme ». C'est significatif. Il est vrai que dans ces domaines, ce sont actuellement surtout des hommes qui nous proposent des choses nouvelles et originales.
L'édition est, dans l'ensemble, un métier très féminin : les services de communication sont presque exclusivement constitués de femmes, l'édition proprement dite c'est moitié-moitié, et c'est au niveau des directions que l'on constate un déséquilibre en faveur des hommes.