J'étais récemment à Bruxelles pour plaider cette affaire. Le rhum des DOM bénéficie actuellement d'un taux d'accise réduit sur le rhum traditionnel vendu en métropole dans la limite d'un contingent annuel de 120 000 hectolitres d'alcool pur, régime qui prendra fin au 31 décembre 2013. Le taux d'accise est de 859 euros pour le rhum des DOM contre 1 514 euros pour les autres alcools, soit un différentiel total de fiscalité de 42 %.
Ce régime a été modifié par la loi de financement de la sécurité sociale de 2012 et la loi de finances rectificative de 2012. Avec ce nouveau régime, le taux d'accise sur le rhum des DOM passait à 903 euros, contre 1 660 euros pour les autres rhums ; la vignette de sécurité sociale était plafonnée à 361 euros par hectolitre d'alcool pur pour le rhum des DOM, contre 533 euros pour les autres rhums. Le différentiel de fiscalité demeurait de 42 %, à 929 euros par hectolitre d'alcool pur. L'aide de l'État est ainsi passée de 66 millions en 2011 à 111 millions en 2012. La mesure est entrée en vigueur au 1er janvier 2012, sans avoir été notifiée et acceptée par la DG concurrence. J'ai procédé à cette notification le 7 août 2012.
La Commission européenne nous reproche non seulement d'avoir mis en oeuvre un régime illégal, mais de surcompenser la filière sans justifier les coûts à due proportion. Pour trouver une solution acceptable à la fois par la filière et par Bruxelles, il convient de faire évoluer le régime. Plusieurs postulats doivent être pris en compte, à commencer par le maintien d'un différentiel de taxation entre les rhums des DOM et les autres, sachant que les rhums de pays tiers, comme Bacardi ou Diageo, bénéficient d'aides très importantes des États-Unis notamment. Ensuite, la compétitivité de la filière et le maintien des 20 000 emplois directs concernés. Enfin, la préservation de l'équilibre économique des petites distilleries. Celles-ci produisent en effet un rhum à fort degré d'alcool, donc plus touché par une fiscalité calculée non sur le volume mais sur le litre d'alcool pur.
Sans régularisation rapide, nous nous exposons à ce que la Commission européenne inscrive la mesure au registre des aides illégales et impose le reversement des aides versées illégalement depuis le 1er janvier 2012.
Nous avons proposé à la Commission européenne de modifier le régime en supprimant le plafonnement de la vignette, en diminuant le taux d'accise sur les rhums des DOM et en prévoyant, pour les petites distilleries, un calcul de la vignette sur le litre volume. Pour les rhums des DOM, le taux d'accise serait de 844,52 euros pour les rhums des DOM contre 1 689,05 pour les autres rhums, la vignette étant de 533 euros pour tous, soit une fiscalité totale de 1 377,52 euros par hectolitre d'alcool pur pour les rhums des DOM et de 2 222,05 euros pour les autres. Le différentiel passerait de 42 % à 38 %. Le dispositif coûterait 103 millions, contre 111 millions actuellement, et 66 millions en 2011. Le précédent régime avait été mis en place à la veille d'une échéance électorale, et rien n'avait été balisé...
Lors de nos échanges, le commissaire Almunia s'est montré ouvert. Nous sommes en train de notifier le nouveau régime, qui vaudra jusqu'au 31 décembre 2013. Il faudra donc une nouvelle notification pour la période 2014-2020, sur la base des modifications proposées pour le régime actuel. La décision de la Commission doit intervenir avant la fin 2013, le mécanisme ne pouvant être rétroactif. Il faut donc faire vite. J'espère une réponse rapide. Cette aide est nécessaire à la filière pour faire face à la concurrence accrue de pays tiers, aidés par les États-Unis, le marché européen du rhum s'étant ouvert à la suite des accords Union européenne-Amérique centrale et des négociations avec le Mercosur.