Intervention de Victorin Lurel

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 19 mars 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Victorin Lurel ministre des outre-mer sur les questions de l'octroi de mer de la fiscalité du rhum et de la défiscalisation

Victorin Lurel, ministre des outre-mer :

L'objectif de pérenniser et renforcer l'octroi de mer a été fixé au plus haut niveau : le président de la République en a pris l'engagement.

Sur la défiscalisation, les avis divergent. Un arbitrage a été rendu conformément, là encore, aux engagements du chef de l'État, visant à renforcer l'attractivité fiscale de nos territoires. La promesse a été tenue : en pleine crise des finances publiques, le budget de l'outre-mer a plus augmenté que celui des trois missions prioritaires - justice, éducation et sécurité. Il y a aujourd'hui surgel des crédits : on fait en sorte que ceux de la mission outre-mer soient moins touchés que les autres, pour maintenir un différentiel favorable.

Les parlementaires ont utilisé leur pouvoir de déférer des actes législatifs au juge constitutionnel. Celui-ci a censuré une disposition essentielle dans l'efficacité du dispositif : la part variable du plafond spécifique réservé aux opérations d'investissement outre-mer, fixée à 4 % du revenu disponible. Le cadre de réflexion a été fixé par le Président de la République lors de ses voeux aux outre-mer, et par le Premier ministre, qui a promis que pas un euro ne manquerait aux outre-mer. Ce dernier m'a chargé - et non Bercy - d'une mission à ce sujet. Mon ministère a donc créé un groupe de travail dédié. Le 2 avril, je me produirai devant le Comité interministériel de modernisation de l'action publique (CIMAP) pour présenter les grandes lignes de la réforme pour le maintien de la défiscalisation.

Au même titre que l'octroi de mer, la défiscalisation est nécessaire : depuis 1986, elle est entrée dans les moeurs et dans les pratiques de gestion. On peut certes poursuivre la moralisation du dispositif. En moyenne, entre 2012 et 2014, le mécanisme représente plus d'un milliard d'euros. Dans le projet de loi de finances pour 2013, la défiscalisation représente 1,1 milliard d'euros, dont 885 millions sur l'impôt sur le revenu, et 180 millions d'euros sur l'impôt sur les sociétés. Ces sommes solvabilisent 3 milliards d'euros d'investissement par an dans nos régions. 50 % à 80 % de l'aide est rétrocédée aux exploitants. Ce taux peut atteindre 90 % dans le logement social, ce qui a permis de faire passer le nombre de logements sociaux neufs financés de 4 800 à 7 500 entre 2009 et 2011. La défiscalisation de l'investissement productif a permis la réalisation d'opérations durables et structurantes. Après la décision du Conseil constitutionnel, d'aucuns ont avancé que le mécanisme ne profitait qu'aux riches contribuables et ne créait pas d'emplois. C'est faux.

Cinq principes guident la réforme. D'abord, la compensation : la ressource bénéficiant aux projets d'investissement dans les outre-mer ne pourra pas être inférieure à celle allouée au titre des mécanismes actuels. Ensuite, l'efficience : on peut privilégier les options présentant le plus faible coût pour les finances publiques si elles permettent un gain équivalent ou supérieur. Troisième principe, la continuité : la réforme ne devra pas entraîner d'année blanche en matière d'investissement outre-mer. La lisibilité et la sécurité ensuite : il est plus que temps pour les investisseurs de se reposer sur des dispositifs simples, stables, pérennes et efficaces. Enfin, la concertation : il faut engager un débat ouvert permettant l'expression d'une diversité d'approches et de sensibilités.

Nous avons associé tous les ministères, qui se sont engagés à permettre, dans le cadre des discussions budgétaires, la remise du rapport au Parlement au début du mois de mai. Ce travail est supervisé par un comité de pilotage, qui assurera la qualité du travail et le respect des délais. Je vous remercie d'avoir accepté d'y être associés, et d'avoir mutualisé les choses avec vos collègues députés. Ces travaux nourriront l'évaluation des dispositifs au titre de la mission qui m'est confiée. J'ai en outre décidé de réunir une instance de concertation large et ouverte, à échéance régulière, pour partager l'avancement des travaux. Y participeront tous les parlementaires, les exécutifs locaux, les représentants du monde économique et des organismes consulaires. Sa première réunion est prévue le 9 avril. Tout au long du processus, je consulterai largement et solliciterai les contributions de l'ensemble des parties prenantes.

Le calendrier est le suivant : le 2 avril, communication en CIMAP ; le 5 avril, première réunion du comité de pilotage ; le 9 avril, première réunion de l'instance de concertation ; fin avril, le projet de rapport sera remis par le groupe de travail interministériel ; début mai, seconde réunion de l'instance de concertation ; le rapport sera remis au Parlement courant mai ; en mai-juin, les scénarios de réforme seront instruits dans le cadre des arbitrages du projet de loi de finances ; en juin, troisième réunion de l'instance de concertation ; en juillet, communication en CIMAP des termes de la réforme.

Un mot sur les pistes de solutions tracées à ce stade. D'abord, maintenir un mécanisme de défiscalisation à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur les sociétés mieux encadré et mieux contrôlé. On peut aller loin dans la moralisation et le contrôle du dispositif, mais cela ne répondra pas à l'injonction de changement qui nous est adressée et ne satisferait pas l'attente née du débat parlementaire de l'automne dernier. Deuxième piste, budgétiser l'aide fiscale en faveur du logement social et substituer un crédit d'impôt à la défiscalisation des investissements productifs. Troisième piste : associer une défiscalisation mieux encadrée sur le logement social et un mécanisme alternatif pour l'investissement productif.

Une solution consisterait à maintenir un plafond des niches fiscales de 10 000 euros pour tout le territoire, à l'exception d'un plafond de 18 000 euros dans l'investissement productif outre-mer, dont le calcul serait indépendant du premier plafond, à l'instar du dispositif Malraux : celui-ci permet d'investir sous son plafond de 30 000 euros, sans préjudice des investissements réalisés sous le plafond global de 10 000 euros.

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