Intervention de Cécile Duflot

Commission des affaires économiques — Réunion du 26 mars 2013 : 1ère réunion
Plan d'investissement pour le logement — Audition de Mme Cécile duFlot ministre de l'égalité des territoires et du logement

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Je vous remercie de l'attention que vous portez à ces dossiers. Vous évoquez la FFB et la Capeb : ce secteur porteur d'emplois durables et non délocalisables nécessite en effet un intérêt marqué parce qu'il connaît une situation délicate. En outre, il est lié à une question décisive pour nos concitoyens, celle du logement. Nous avons déjà évoqué ses difficultés : il y a ceux qui vivent en zone tendue et ne peuvent prétendre à un logement de qualité, ceux qui sont en situation de mal-logement et ceux qui ont besoin d'un hébergement.

Les chiffres de la construction sont mauvais, comme l'année dernière : dans ce domaine, nul ne peut en faire porter la responsabilité à tel ou tel. Les cycles de la construction sont durables et c'est sur le long terme que se vérifie l'efficacité des mesures que nous prenons. Les effets pervers de certains dispositifs fiscaux n'apparaissent qu'après coup, d'où ces immeubles vides dans certaines communes...

Le Gouvernement entend répondre à l'urgence et travailler aux réformes structurelles : vous avez opportunément rappelé deux dossiers, le plan d'investissement pour le logement présenté par le Président de la République à Alfortville la semaine dernière, et après la loi que vous avez votée à la fin de l'année 2012, le prochain projet de loi.

Ce plan d'urgence vise à déverrouiller simultanément un certain nombre de dispositifs pour donner un coup de fouet nécessaire en matière de normes, de financement et d'équilibre du parc. Le premier volet facilite les projets urbains et l'aménagement, notamment en raccourcissant les délais de procédure, en particulier en luttant contre les recours malveillants de type quasi mafieux. Certains n'hésitent pas à pratiquer une forme de racket : ils subordonnent à l'obtention d'une somme d'argent l'abandon des recours qu'ils déposent contre les permis de construire.

Le plan comporte la mise en place d'un géoportail de l'urbanisme : afin de faciliter le travail des professionnels du secteur, d'éviter par exemple à l'architecte de courir en mairie pour récupérer des plans locaux d'urbanisme (PLU), tous les documents d'urbanisme seront désormais en ligne, accompagnés d'une cartographie. Pour que ce portail fonctionne, il faut un dispositif législatif, d'où l'intérêt de recourir aux ordonnances : nous gagnerons entre six mois et un an.

Autre dispositif, le taux maximal de garantie d'emprunt pour les opérations d'aménagement va être assoupli, pour pallier le renchérissement des critères bancaires d'accès à l'emprunt.

Comme je l'ai dit à l'occasion de l'abrogation de la loi relative à la majoration des droits à construire, le travail sur la densification se poursuit, non seulement dans le cadre du projet de loi, mais également avec la transformation de bureaux vides en logement. Rien qu'en Île de France, 3 millions de mètres carrés sont concernés. Ces bâtiments sont construits sur des zones d'activité, et leur transformation ne pourra intervenir qu'après modification du PLU, un processus long qu'il convient d'accélérer notamment en zone tendue et à proximité des transports en commun, tout comme il faut revoir les obligations de parking qui créent une contrainte budgétaire insurmontable : pour transformer un immeuble de bureaux, on doit en effet aménager deux niveaux de sous-sol.

Nous voulons sécuriser les opérations en vente en état futur d'achèvement (VEFA) et faciliter la gestion de la trésorerie des entreprises du bâtiment, conformément à la demande répétée des professionnels.

Dans une logique de mixité, développer le statut du logement intermédiaire répondra en partie au débat sur l'augmentation à 25 % du plancher de logements sociaux dans les communes concernées par la « loi SRU ». Dans un premier temps, les communes pourront inclure dans leur programme local de l'habitat (PLH) la nécessité de construire ce type de logement. Ensuite, nous pourrons éventuellement travailler sur l'environnement législatif et fiscal.

Le rôle contracyclique des bailleurs sociaux mérite d'être affirmé. C'est pourquoi nous avons augmenté les aides à la pierre, nous souhaitons que les fonds propres des différents organismes soient mutualisés, et nous avons mobilisé un milliard d'euros supplémentaire d'Action logement, somme qui sera délivrée en même temps que les subventions d'État sur la surcharge foncière, c'est-à-dire de façon automatique et avec une instruction très rapide.

En outre, le Président de la République a annoncé que toutes les opérations de construction et de rénovation de logements sociaux livrables à compter du 1er janvier 2014 seraient soumises à une TVA de 5 %. Du fait du plafonnement des loyers, la capacité de l'Union sociale pour l'habitat (USH) à construire des logements dépend en effet du taux de consommation de fonds propres, opération par opération. La baisse du taux de TVA a un effet mécanique immédiat sur la consommation des fonds propres, et donc, sur la possibilité pour les organismes de construire davantage. La construction atteint aujourd'hui environ 100 000 logements alors que le Gouvernement s'est fixé un objectif de 150 000. Avec tous ces dispositifs, nous aurons les moyens de construire les 50 000 logements supplémentaires, qui représentent 85 000 emplois directs et semi-directs.

Au-delà de l'engagement du Gouvernement en faveur de l'emploi, le plan d'investissement par le logement est une traduction concrète des moyens que nous nous donnons pour atteindre nos objectifs.

Les décrets d'application de la loi relative à la mobilisation du foncier public seront publiés dans les semaines à venir. Nous avons souhaité une gouvernance efficace du plan de mobilisation et je suis personnellement certains dossiers. La fin des abattements pour durée de détention intervenant dans le calcul des plus values des terrains à bâtir, des friches commerciales et des logements inhabitables contribuera à la lutte contre la rétention foncière.

Pour simplifier l'activité des professionnels, il a été décidé un moratoire de dix-huit mois sur les normes nouvelles de construction. Cette pause aidera les professionnels à travailler sans risque en matière de qualité de construction. Nous avons également décidé de mettre en place l'autoliquidation de la TVA.

En ce qui concerne le grand chantier de rénovation énergétique sur lequel nous avons travaillé avec Delphine Batho, le Gouvernement entend tenir les engagements du Président de la République : 500 000 rénovations par an, dont 380 000 dans le parc privé, et 120 000 dans le parc social. A cette fin, nous élargissons les critères d'accès à la subvention pour la réalisation de travaux de rénovation thermique, qui concernera désormais les deux tiers des ménages français. Cette aide directe de 1 350 euros sera cumulable avec le crédit d'impôt développement durable (CIDD), mis en place en 2005 par le précédent Gouvernement et qui a montré son efficacité. Le CIDD sera redimensionné et cumulable avec l'éco-prêt à taux zéro (PTZ), que certifieront les entreprises certifiées Grenelle, ce qui débloquera certains dossiers. Pour simplifier l'accès au dispositif, nous mettons en place un guichet unique et un numéro vert.

J'ai également signé avec l'Agence nationale de l'habitat (Anah) une convention pour le recrutement de 1 000 ambassadeurs de la rénovation énergétique, au titre des emplois d'avenir et du service civique. Chargés d'aider les ménages victimes de précarité énergétique, en particulier les personnes âgées ou isolées, ils pourront s'appuyer sur un dispositif renforcé pour les personnes les plus modestes, pour lesquels la subvention pour les travaux de rénovation énergétique atteindra 3 000 euros.

La volonté du Gouvernement est de répondre à l'urgence, de façon cohérente avec les réformes de structure, tout en travaillant sur les règles d'urbanisme, l'articulation entre les différents niveaux de schéma, du PLU aux schémas régionaux, ainsi que sur la copropriété...

Les ordonnances s'imposent pour des questions de délais. L'objectif est, en effet, le dépôt du projet de loi sur le logement et l'urbanisme avant la fin du mois de juin. Le dépôt du texte devant l'Assemblée nationale ou le Sénat n'est pas encore arrêté. En revanche, le projet de loi d'habilitation sera examiné le 17 avril en Conseil des ministres. L'emploi des ordonnances est très contrôlé dans la Constitution de la Ve République. Le projet de loi d'habilitation sera détaillé. L'objectif n'est pas de contourner qui que ce soit, mais de répondre à l'urgence de la situation.

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