Intervention de David Azéma

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 mars 2013 : 1ère réunion
Etat actionnaire — Audition de M. David Azéma commissaire aux participations de l'etat directeur général de l'agence des participations de l'etat

David Azéma, commissaire aux participations de l'Etat :

L'opération d'EADS se dénoue aujourd'hui et devrait être terminée d'ici le mardi 2 avril. EADS est une entreprise constituée du rapprochement entre DASA, CASA et Aérospatiale-Matra. Elle reposait sur un pacte d'actionnaires mêlant l'Etat français à des actionnaires privés, avec un équilibre conçu comme instable et évolutif, devant conduire à une réduction de la part des actionnaires historiques, ce qui explique qu'il n'était pas permis à l'Etat français, par exemple, sauf exception, de s'opposer à la sortie d'un actionnaire. Suite à l'échec du rapprochement avec BAE Systems, Daimler, principal actionnaire d'EADS, a notifié qu'il sortirait du capital en cédant une première tranche de 7,5 % ; de même, Lagardère avait annoncé son intention de sortir dès lors que la visibilité sur le programme de l'A350 était assurée. Dans ce contexte et afin de maintenir l'influence de l'Etat français dans le fonctionnement d'EADS, nous avons réfléchi à une évolution pour faire émerger un autre concert d'actionnaires ayant des pouvoirs directs moindres mais une stabilité supérieure. Trois Etats participent à ce concert : l'Allemagne via la KfW, l'Etat français et l'Etat espagnol via l'agence SEPI. Au total, ces trois Etats détiennent 28 % du capital d'EADS, puisqu'il ne fallait pas dépasser la barre des 30 % qui rendrait obligatoire le déclenchement d'une offre publique d'achat (OPA). Il s'agit d'un concert défensif pour protéger les règles de gouvernance dont s'est dotée la société. Par exemple, aucun actionnaire ne peut détenir à lui seul plus de 15 %, afin d'éviter notamment les OPA hostiles. Cette règle est statutaire et ne peut être changée que si tous les membres du concert y consentent : c'est l'équivalent d'une golden share, mais statutaire. De même, il existe une règle statutaire stipulant que l'équilibre des nationalités au conseil doit refléter les lieux d'implantation du groupe. Dans ce concert, tout Etat peut s'opposer à un changement des règles statutaires.

Aujourd'hui, une fusion avec BAE Systems ne pourrait pas être bloquée s'il y avait divergence d'analyse entre les Allemands et les Français. Un seul Etat ne pourra pas bloquer une telle opération, il faudra qu'il convainque ses partenaires au sein du concert : seul le concert ensemble aura assez de poids pour faire en sorte qu'une opération déplaisante ou stratégiquement menaçante aux yeux des Français ou des Allemands ne puisse pas se produire. Il s'agit donc d'une nouvelle gouvernance où l'axe franco-allemand sera nécessairement très important.

Nous allons probablement céder la partie de notre capital entre les 15 % actuels, aujourd'hui placée dans une fondation de droit néerlandais et sans droit de vote, et les 12 % visés par le concert. Dans la mesure où la France était au-dessus du seuil de 15 % au moment de la conclusion du nouveau concert, nous acquérons des droits du « grand-père », c'est-à-dire que la France pourra subsister à nouveau détenir plus de 15 % du capital même si le concert s'éteint. L'Etat allemand, en revanche, n'avait jamais été actionnaire d'EADS auparavant, même si Daimler, actionnaire historique, était proche de l'Etat allemand.

Un nouveau conseil va être constitué à cette occasion, avec deux administrateurs formellement approuvés par le Gouvernement français : l'implication de la France dans les choix de gouvernance est donc plus forte qu'auparavant.

Pour ce qui concerne Safran, il s'agit d'une opération de toute autre nature. Nous avions un certain nombre de titres inscrits au nominatif. Ce sont des titres qui au bout d'un certain temps donnent un droit de vote double. Le choix était soit de renoncer à acquérir ces droits de vote double pour ne pas dépasser le seuil des 30 %, soit de vendre une partie des titres tout en conservant la même influence au sein de l'assemblée générale. Compte tenu des besoins du compte d'affectation spéciale (CAS) notamment pour le versement à « BPI Fonds propres », il a été décidé de conserver les droits de vote double et de procéder à une cession de titres, qui s'est faite dans des conditions particulièrement favorables, le cours de l'action Safran étant à son plus haut historique en raison des bonnes perspectives de son moteur CFM56 et du secteur aéronautique en général. La commission des participations et des transferts avait été consultée et nous avait fixé une limite de cession qui a été dépassée.

L'opération s'est faite très rapidement cette nuit de 19 heures à 9 heures par une procédure de cession de bloc accélérée, qui a permis la vente de l'intégralité des 13 millions d'actions.

Nous n'avons pas eu de mal à trouver des clients. Pour une petite moitié ce sont des investisseurs longs et pour une plus grosse moitié des hedge funds qui vont probablement recéder ces titres sur le marché.

Je n'ai pas encore la répartition géographique, mais ils devraient être essentiellement britanniques, américains et français.

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