Il y a dans ce domaine une difficulté inhérente à la position de l'Etat actionnaire. Celui-ci doit avant tout agir comme un actionnaire. L'Etat a d'autres « casquettes » pour agir sur les plans sociaux.
Toute autre attitude que le respect de l'intérêt social de l'entreprise risquerait d'engager sa responsabilité. Lorsqu'un commissaire du gouvernement est présent au conseil d'administration, c'est à lui d'exprimer la position de l'Etat autre qu'actionnaire. Nous pouvons alors nous partager les rôles.
Dans les autres cas, il existe une zone grise, par exemple en matière de localisation. Le souci de l'Etat - non actionnaire - peut rejoindre celui de l'Etat actionnaire. Nous pouvons le constater dans le secteur privé. C'est ainsi que Bolloré a installé une usine de batteries en Bretagne. Je ne suis pas sûr qu'un calcul rationnel, conduit uniquement sur la base de considérations économiques de court terme, aurait amené le groupe à prendre la même décision. M. Bolloré est un actionnaire breton, il a le souci du bon développement de son territoire et il a donc privilégié une implantation en Bretagne.
Pour ma part, je représente un actionnaire français. Aussi, dès lors que nous ne faisons pas franchir la ligne jaune d'un investissement non rentable ou d'une action contraire aux intérêts de l'entreprise, nous nous devons de faire prendre en compte par l'entreprise notre vision stratégique d'actionnaire. C'est néanmoins un exercice dialectique difficile. Il ne faut pas aller trop loin dans l'expression, en tant qu'actionnaire, des préoccupations de l'Etat français.