La question des aides d'Etat pose pour sa part un vrai problème. Comme chacun sait, la femme de César ne doit pas être soupçonnée. En particulier, l'Etat actionnaire est systématiquement soupçonné de ne pas être un investisseur avisé. Mais nos pratiques relèvent de choix pragmatiques, qui n'excluent pas la prise en compte de reflexes d'investisseurs familiaux comme le sont François Pinault et Vincent Bolloré. En tant qu'agence publique, nous avons à poursuivre des objectifs d'intérêt général mais nous savons que chaque fois que nous franchissons la ligne jaune de l'intérêt social de l'entreprise, nous affaiblissons notre dossier par rapport au niveau de décision communautaire. Même si, en théorie, le traité de Rome n'effectue pas de distinction entre le capital public et le capital privé, la Commission européenne est profondément libérale dans ses gènes, et en pratique chacune de nos décisions doit être justifiée.
Je tiens à observer que notre portefeuille d'actionnaires n'est pas exclusivement exposé dans des secteurs traditionnels pouvant être perçus comme archaïques. Dans notre rôle partagé avec la BPI, nous avons plutôt tendance à accompagner des start-ups dans leur développement, dans des secteurs comme les biotechnologies, l'informatique et les télécommunications. Mais il est avéré que sur quatre start-ups qui se créent, l'une disparait : c'est pourquoi les objectifs de rendement du FSI sont relativement élevés afin de couvrir les pertes des sociétés qui disparaissent.
S'agissant des sociétés françaises présentes aux Pays-Bas, l'article auquel fait référence Eric Bocquet est sans doute un peu sensationnaliste. Il est vrai que de telles implantations existent, la plus spectaculaire étant EADS, qui est une société de droit néerlandais, du fait de sa plurinationalité. Mais il y a d'autres cas. Très souvent, cette situation s'explique par des processus historiques : ces entreprises ayant des activités internationales ont placé des holdings intermédiaires dans des pays étrangers. Je ne nie pas que souvent cela a été fait dans une logique d'optimisation fiscale, puisqu'alléger la charge fiscale fait quand même partie des responsabilités sociales d'un dirigeant d'entreprise. La finalité d'une entreprise, vue d'elle-même, n'est pas de payer des impôts. Il faut ensuite veiller à ce que, dans le cas particulier, la ligne jaune ne soit pas franchie. Dans le contexte économique actuel, je constate, comme nous l'avons dit tout à l'heure, qu'un certain nombre de sociétés ont plutôt tendance à se retirer ou à réduire leur présence avec des filiales belges ou néerlandaises dans leur organisation. Mais en pratique, et je l'ai personnellement observé, il est techniquement assez long de défaire des montages de ce type. Par ailleurs, je n'observe pas de politique systématique et générale en ce sens des entreprises du portefeuille que gère l'APE.
S'agissant du ministère du redressement productif, l'APE fait l'objet d'un double rattachement ministériel. Le ministre de l'économie et des finances conserve une compétence générale tandis que le ministre du redressement productif a une compétence stratégique, à l'exclusion du secteur financier. Après des réglages initiaux, la relation bilatérale fonctionne plutôt bien. Nous apportons les informations dont nous disposons au ministère du redressement productif qui exerce des compétences plus larges que les nôtres. Notre action est complémentaire de celle de la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services.
En ce qui concerne France Télécom, la dotation du FSI en fonds propres comportait des actions de l'entreprise. Il était à l'époque envisagé que la valeur de cet apport puisse être monétisée et que la prise de participation publique diminue. En pratique, cette analyse s'est révélée erronée, compte tenu de la baisse de la valeur du titre de France Télécom et du souhait de l'Etat de maintenir le niveau global de la participation publique dans l'entreprise.
Quand nous recourons à des services extérieurs, nous sommes soumis à l'ensemble des règles applicables aux marchés publics, comme cela s'est fait hier soir à propos de Safran. Le secret des affaires a été pris en compte lors des consultations que nous avons menées, mais qui se sont tenues en l'espace d'une demi-heure. Je tiens à préciser que les prestataires extérieurs dont nous sollicitons les services, qu'ils soient banquiers ou avocats, travaillent souvent en dehors des conditions de marché ; sans doute est-il intéressant pour eux d'avoir comme référence des travaux pour l'APE.
Nous sommes déjà actionnaires de trois banques, directement ou indirectement : Dexia, la Banque postale et prochainement la BPI. Si l'Etat devenait propriétaire de banques, il exercerait sa tutelle mais l'APE exercerait probablement sa mission de représentation de l'Etat actionnaire.