Intervention de Christian Cointat

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 mars 2013 : 1ère réunion
Comité national de l'initiative française sur les récifs coralliens ifrecor — Communication

Photo de Christian CointatChristian Cointat :

C'est avec plaisir que j'évoquerai ces pierres vivantes aux mille couleurs qui peuplent la surface des océans, les récifs coralliens.

La France possède 10 % des récifs coralliens du monde. L'Ifrecor, chargé de leur protection, est placé sous la double tutelle du ministère des outre-mer, d'une part, et, du ministère de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie, d'autre part. L'institut constitue la réponse française à la création de l'International coral reef initiative (ICRI), qui protége les récifs coralliens à l'échelle mondiale, et dont notre pays est lui-même membre.

L'Ifrecor accorde une importance particulière aux élus, qui sont huit à être présents au sein de son organe directeur, le comité national : quatre députés et quatre sénateurs. Ceci tient notamment au fait qu'elle est chargée de sensibiliser les élus locaux à l'intérêt de la protection de ce patrimoine. Malheureusement, deux parlementaires seulement, le sénateur de Wallis-et-Futuna, Robert Laufoaulu et moi-même, sont assidus aux réunions, qui se tiennent deux fois par an, à Paris et outre-mer. Cela est regrettable, car les chercheurs, qui travaillent beaucoup, avec des moyens limités, ont besoin de se sentir épaulés.

Un exemple de l'importance des questions liées aux coraux : la piste d'atterrissage de l'aéroport de Mayotte est si courte que les avions ne peuvent y atterrir à pleine charge ; ils doivent préalablement décharger à la Réunion. Deux options se présentent : rallonger la piste, qui empièterait alors de 400 mètres sur les récifs coralliens, ou en construire une nouvelle, parallèle à la côte, ce qui coûterait plus cher mais garantirait la protection des récifs coralliens. Des études sont en cours de réalisation pour éclairer les décideurs, et il semblerait que la piste parallèle soit privilégiée.

Un récif n'est pas un élément isolé : il fait partie d'un ensemble interdépendant constitué d'herbiers et de mangroves. Les maires et les élus locaux qui souhaitent entreprendre des travaux doivent comprendre qu'il n'est pas possible de toucher à l'un sans affecter l'autre. Beaucoup de Mahorais vivent de la pêche ; si le corail est endommagé, la baisse du nombre de poissons est immédiate. Nous menons régulièrement des études au sein des 10 % des récifs coralliens qui sont français, 90 % de notre biodiversité côtière nationale y vit.

A côté du comité national, qui comprend, outre les parlementaires, des fonctionnaires des deux ministères concernés, des représentants de la vie économique, de la recherche, des organismes sociaux-professionnels, des organisations non-gouvernementales, notamment le World Wide Fund for Nature (WWF), l'Ifrecor s'appuie sur des comités locaux répartis sur les territoires français qui possèdent des coraux, dans lesquels un ou deux fonctionnaires travaillent en mission avec les organismes de recherche, notamment l'Ifremer (institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer) et l'IRD (L'Institut de recherche pour le développement), et s'appuient sur les élus locaux, qui sont invités à participer à ses travaux.

L'Ifrecor mène des opérations locales et transversales. Parmi les travaux réalisés, l'Ifrecor compte à son actif une cartographie commune à l'ensemble des comités locaux. Elle doit gérer l'épineuse question de la gestion des déchets et des eaux usées : le principal risque que rencontre le corail n'est pas le réchauffement climatique, mais la pollution humaine.

Nous menons aussi des recherches sur l'utilisation des pesticides, notamment de ceux utilisés pour traiter la banane. Nous avons découvert dans les poissons, en Polynésie française, les traces d'un pesticide interdit depuis trente ans : preuve qu'il est donc utilisé frauduleusement. Pour l'instant, les traces sont faibles, mais il faut réagir.

L'Ifrecor a pour rôle essentiel la protection et la gestion durable des récifs coralliens et des écosystèmes associés Elle constitue également une plateforme de concertation et d'échange, ainsi qu'une instance de recommandation pour les décideurs et les élus locaux.

En dehors de leur beauté, les récifs coralliens sont loin d'être inutiles : ils protègent les côtes de l'érosion et des tsunamis. Si les récifs coralliens du nord de Sumatra n'avaient pas été détruits, le tsunami aurait été beaucoup moins destructeur. Ils favorisent également le développement et l'accroissement des richesses halieutiques. Enfin, ils constituent une attraction touristique de plus en plus à la mode.

Comme je le rappelais, les récifs coralliens font partie d'un écosystème à trois composantes : corail-mangrove-herbiers. En Australie, la ville de Cairns a eu le malheur de détruire ses mangroves pour reconstruire son front de mer : à marée basse, le spectacle est déplorable. Les récifs coralliens qui se trouvent au large en ont pâti, et le tourisme également.

Le comité national s'est réuni dernièrement à Moorea, à Tahiti, ainsi qu'à la mairie de Punaauia, à proximité de Papeete. Le constat fait au mois d'octobre est alarmant : 75 % des récifs coralliens sont menacés par le réchauffement climatique, les pollutions locales, et la surexploitation de la pêche. En outre, les pesticides entrainent la prolifération d'algues parasites qui détruisent le corail. Quant au réchauffement de l'eau, il blanchit les coraux.

Heureusement, le gouvernement français a inclus 20 % des récifs coralliens dans une aire maritime protégée. Il faut développer davantage les aires maritimes protégées, comme cela vient d'être fait dans la province nord de la Nouvelle-Calédonie. Le classement au patrimoine mondial de l'humanité de l'ensemble corallien des lagons de la Nouvelle-Calédonie, il y a deux ou trois ans, doit beaucoup à l'action conjointe de l'Ifrecor Nouvelle-Calédonie et de l'Ifrecor national.

Les plans d'action en cours visent à réduire les effets négatifs des activités humaines sur le patrimoine corallien, restaurer les écosystèmes dégradés, recenser les récifs coralliens, transplanter des herbiers, restaurer les mangroves, mettre à jour l'inventaire de la biodiversité et la cartographie des récifs, surveiller et suivre les récifs coralliens, coordonner l'action de l'Ifrecor avec celle des autres organismes chargés de la biodiversité, et développer la valeur économique des coraux, qui ont l'avantage de ne rien coûter, et de rapporter beaucoup. A cette fin, ont été instaurées les Palmes de l'Ifrecor , qui sont attribuées aux élus ayant pris des mesures utiles pour la sauvegarde du patrimoine. Ces dernières années, elles ont été octroyées à Saint-Martin pour son sentier marin le long de la barrière de corail ; à Punaauia, en Polynésie française, pour son service de lutte contre la prolifération des poissons jardiniers, qui attirent les mauvaises algues ; à la Martinique, pour la création de la réserve naturelle régionale de la Baie de Génipa ; et à Mamoudzou, à Mayotte, pour l'opération « Connaître la mangrove de Tsoundzou ».

Le budget de l'Ifrecor, de 1,6 millions d'euros, dont 0,3 million pour les comités locaux, est appelé à diminuer de 20 % à 30 %. Cela ne va pas faciliter son travail, mais elle continuera à surveiller et protéger ces belles pierres vivantes

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