Intervention de Mireille Schurch

Réunion du 2 avril 2013 à 14h30
Débat sur l'action des collectivités locales dans le domaine de la couverture numérique du territoire

Photo de Mireille SchurchMireille Schurch :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les tentatives pour concilier l’ouverture à la concurrence et la fourniture des services numériques pour tous n’ont vraiment pas fait leurs preuves. C’est le second rapport en deux ans, sans compter l’avis du Conseil économique, social et environnemental, qui dresse ce constat : la France accuse toujours un retard dans ce domaine.

Je salue le travail réalisé par mes collègues Yves Rome et Pierre Hérisson, qui permet au Sénat de tenir ce débat extrêmement important pour nos territoires.

À la première fracture relative à l’accès au réseau que nous connaissons tous, s’en ajoute une deuxième, qui se rapporte au débit. En effet, les technologies les plus répandues d’accès à l’internet haut débit, l’ADSL en particulier, sont au maximum de leurs capacités. Depuis l’arrivée de la fibre optique, les performances entre ces deux technologies varient d’un à cinquante.

S’il existe d’autres techniques que celle du fibrage – je pense notamment à la montée en puissance du réseau cuivre et aux réseaux mobiles 4G –, nous partageons l’idée que le fibrage constitue l’investissement d’avenir à réaliser.

Toutefois, s’il est le seul moyen valable, à terme, pour assurer une couverture en très haut débit sur l’ensemble du territoire national, un tel déploiement ne pourra pas, à notre sens, intervenir à très court terme, tant les investissements sont importants. On parle, madame la ministre, d’une somme de 20 milliards d’euros voire de 30 milliards d’euros, mais vous aurez l’occasion de nous préciser ces chiffres lors de votre intervention.

C’est pourquoi nous pensons qu’il est aussi nécessaire de maintenir un emploi raisonné et raisonnable de technologies que d’aucuns qualifient de palliatives pour ne pas laisser se creuser l’écart entre les territoires. En effet, aujourd’hui encore, ce sont 1, 7 % des foyers qui n’ont pas accès à l’ADSL, et 600 000 foyers qui n’ont pas accès à un débit de plus de 512 kilobits par seconde. Cette situation fait ressortir de manière accrue la nécessité de reconnaître l’accès à un débit minimum pour tous comme élément du service public ou du service universel.

Le rapprochement, annoncé par le Président de la République, de l’échéance pour le déploiement des réseaux sur l’ensemble du territoire à 2022, et non plus à 2025, comme le prévoit le programme national très haut débit, est une bonne chose, même si, pour la majorité des acteurs, et notamment les maires ruraux, l’investissement dans le très haut débit doit être réalisé dans les cinq ans à venir. Pour eux, en effet, c’est une véritable course de vitesse qui s’engage et qui conditionne l’attractivité de nos territoires.

Toutefois, la question du financement d’une telle ambition reste entière. Le déploiement de ces nouveaux réseaux représente un investissement de plus de 20 milliards d’euros. Vous nous avez annoncé, madame la ministre, 3 milliards d’euros d’aide de l’État. Pouvez-vous nous préciser votre cadrage financier ?

Comment les collectivités territoriales financeront-elles la charge restante ? Elles agissent dans un contexte financier plus que contraint. Le pacte budgétaire européen encadre la capacité d’intervention des États, mais aussi des collectivités territoriales. Cette question se pose avec acuité. On se souvient en effet que le précédent gouvernement avait refusé de taxer les profits, pourtant non négligeables, des opérateurs privés. Irez-vous dans ce sens, madame la ministre ?

De même, qu’en est-il de la taxation ou de l’imposition plus juste des géants du net, qui ne peuvent s’enrichir, en réalité, que grâce au développement d’un réseau fiable, rapide et neutre ?

La question du réseau ne peut être séparée du contenu. Pour notre part, si nous nous félicitons que le prix des abonnements soit moins élevé que dans le reste de l’Europe, cela ne signifie pas que cette dépense ne pèse pas sur le budget des ménages. N’ajoutons pas une fracture sociale à la fracture territoriale, à un moment où la question du pouvoir d’achat de nos concitoyens n’est pas qu’une question rhétorique.

Le rôle des collectivités territoriales est aujourd’hui essentiel pour lutter contre la fracture numérique, nous en convenons tous. Le jeu du marché n’a pas permis de parvenir à une couverture totale et équilibrée du territoire en haut débit, en téléphonie mobile, et encore moins en fibre optique. C’est pourquoi nous partageons les doutes des rapporteurs sur la pertinence du modèle choisi, qui repose principalement sur les opérateurs privés.

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