Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la nécessité d’un déploiement accéléré et équitable territorialement du haut débit fait aujourd’hui consensus.
En effet, l’économie numérique représente 4 % de l’emploi en France et a contribué à 25 % de la croissance française entre 2009 et 2010. Elle accélère le rythme de l’innovation. Elle constitue un levier majeur de croissance mais aussi de modernisation de l’action publique et de l’aménagement du territoire.
Le déploiement des infrastructures numériques à haut et à très haut débit favorise le développement des services innovants et constitue un gisement d’emplois. Il s’agit aujourd’hui de doter la France des infrastructures du XXIe siècle, de préparer l’avenir de nos concitoyens, de nos territoires et de nos entreprises.
Je salue la volonté de l’actuel gouvernement de s’engager avec force dans ce dossier majeur. Dès novembre 2012, il réaffirmait son ambition pour le très haut débit en le plaçant au cœur de sa stratégie pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.
La feuille de route numérique du Gouvernement donne un signal fort et une échelle de temps à la mesure de l’importance de cet investissement structurant, tant aux collectivités qu’aux opérateurs.
Dans leur excellent rapport, Yves Rome et Pierre Hérisson établissent un état des lieux sans concession. Le modèle réglementaire mis en place par le précédent gouvernement s’est révélé inadapté et inefficace pour répondre à l’objectif de déploiement accéléré et équitable du très haut débit sur l’ensemble du territoire.
La France a perdu du temps et accuse un sérieux retard dans ce domaine. Notre pays occupe au sein de l’Union européenne le vingt-troisième rang pour le taux de pénétration du très haut débit.
Les raisons de ce déficit de déploiement, particulièrement en zones moyennement denses et en zones rurales, sont connues. Les choix qualifiés « d’opportunité » par l’Autorité de la concurrence dans le cadre du programme national très haut débit, le PNTHD, ont permis aux opérateurs privés de préempter et de geler les territoires qu’ils estiment rentables, sans aucune sanction en cas de non-respect de leurs engagements.
Le manque d’ambition et de vision de l’État sur le financement pérenne et à long terme du coût du déploiement a freiné le développement des réseaux. La mise en place du fonds d’aménagement numérique du territoire, le FANT, visant à réduire une fracture numérique déjà constatée, n’a pas véritablement eu les effets escomptés, faute d’un financement stable.
Certaines incohérences dans la mise en place du PNTHD ont figé les projets régionaux programmés, rendant difficilement opérant le système de péréquation prévu entre départements. L’aberration que constitue la possibilité pour les acteurs privés de venir concurrencer les réseaux d’initiative publique, les RIP, décidés et déployés, a créé une véritable instabilité financière pour les collectivités « opérateurs d’opérateurs » porteuses de projet.
Le résultat, très justement décrit par les rapporteurs, est celui d’un « modèle [qui] a “dégénéré” en une superposition sous-optimale d’un oligopole déséquilibré – celui des opérateurs privés –, et d’un monopole contrarié – celui des collectivités territoriales– ».
Face à ce constat, je suis convaincu que le développement de l’accès à l’internet très haut débit et la réduction de la fracture numérique ne pourront se construire qu’en élargissant la capacité d’initiative des collectivités territoriales, mais également par un accompagnement technologique et financier.
Dans ce cadre, les opérateurs, mus par leurs propres logiques, auront bien entendu un rôle à jouer et peut-être un peu plus de comptes à rendre... L’État, de nouveau stratège et porteur d’une véritable vision, sera un guide indispensable.
Les collectivités ont besoin d’un cadre d’intervention clair en termes tant juridique que technique. Le plan présenté par le Gouvernement va dans le bon sens. Les conventionnements multipartites constituent une avancée indéniable permettant aux collectivités d’intervenir, dans des conditions claires, en cas de défaillance des opérateurs.
Néanmoins, et nous attendons avec impatience le « modèle-type » de conventionnement, il conviendra de s’assurer que les logiques d’écrémage n’opèrent plus au sein des zones denses, pour ne pas mettre à mal la continuité du déploiement.
La mise en place d’une agence nationale visant à accompagner les initiatives existantes devrait permettre la définition d’un référentiel technique unique, que devront appliquer les réseaux d’initiative publique, et je m’en réjouis. Cette approche garantira l’interopérabilité des réseaux, assurant ainsi l’indispensable présence des opérateurs pour la commercialisation et l’accès au service.
La question du déploiement est aussi et avant tout une question de coût. Le Gouvernement estime que, sur les dix prochaines années, les opérateurs devraient assurer 12 milliards d’euros d’investissement, les pouvoirs publics 3 milliards d’euros et, enfin, les collectivités porteuses de projets 3 milliards d’euros également. Dans ce cadre, les collectivités auront besoin d’un modèle financier stable pour les futurs déploiements publics.
Les annonces d’accès aux crédits et aux aides vont dans le bon sens mais doivent être précisées. Les projets des collectivités pourront désormais prétendre à un accompagnement financier de l’État de l’ordre de 50 % en moyenne, contre 35 % auparavant, et je m’en félicite.
Néanmoins, il faudra faire jouer la péréquation et assurer des taux plus élevés en fonction du degré de ruralité. En effet, compte tenu de l’état des finances des départements, les plus ruraux d’entre eux ne pourront pas mobiliser les financements nécessaires si leur reste à charge est trop élevé.
Par ailleurs, les réseaux publics doivent être « sécurisés ». Le danger est grand que les réseaux publics constitués ne soient pas commercialisés. À ce jour, aucun opérateur important ne s’est déclaré sur les futurs RIP alors qu’eux seuls auront la capacité à desservir les centaines de milliers, voire les millions, de foyers et d’entreprises raccordables chaque année. Un cadre réglementaire précis offrant une visibilité suffisante dans le temps et garantissant une force de commercialisation adéquate doit se mettre en place.
Le succès des offres de service, rendues possibles par le déploiement des réseaux public très haut débit – et j’en finirai par là –, dépendra également de la concurrence à laquelle elles auront à faire face. À ce titre, la place du réseau cuivre est déterminante. Vous avez annoncé, madame la ministre, une mission de réflexion sur l’extinction du réseau cuivre. Il s’agit là d’une question essentielle.
Avec le nouveau cadre proposé par le Gouvernement, un signal clair et fort est donné aux trois acteurs du très haut débit : les collectivités, l’État et les opérateurs. À eux maintenant de transformer l’essai tous ensemble ! §