Cet espace, je le connais bien, comme vous ici.
Cela a été dit, les opérateurs privés ont choisi d’investir dans les zones les plus rentables, laissant de côté 80 % du territoire, où vivent 14 millions d’habitants, délaissant, surtout, ce qu’on oublie de dire et qu’il faut donc redire, des espaces qui accueillent encore aujourd'hui plus de 50 % de l’industrie de notre pays, je dis bien « plus de 50 % » !
Sur ces territoires abandonnés, les collectivités locales ont, bien sûr, et c’est normal, réalisé des réseaux haut ou très haut débit. Elles ont créé, on l’a dit, des RIP, réseaux d’initiative publique, des « réseaux de gros ouvert », « opérateurs d’opérateurs. »
Il semble qu’il y ait aujourd'hui 8 millions d’usagers, dont 3 millions pour cette zone dite « rurale ». Et j’insiste sur le fait que les collectivités ont créé, d’abord, les réseaux de collecte et, après, éventuellement, la desserte. Mais l’État, lui, dans une cohérence que je n’ai jamais comprise, a financé la desserte et pas la collecte.
Pour les collectivités, on l’a dit, redisons-le, les enjeux sont évidents. Vous, messieurs Yves Rome et Pierre Hérisson, vous insistez sur ce point dans votre rapport. C’est le défi de la fracture numérique, on l’a dit, il faut le redire. Mais c’est surtout la volonté d’affirmer l’attractivité de son territoire. Sans cela, incontestablement, c’est l’exode numérique et, par conséquent, on est parti pour recommencer !
Donc, les collectivités locales ont été à la fois les maîtres d’ouvrage et les financeurs de ces opérations, alors même que ces équipements, ces autoroutes numériques relèvent, de toute façon et normalement, de l’équipement du territoire et, par conséquent, des missions de l’État, lequel n’est pourtant pas intervenu.
Je voudrais dire deux mots sur un département que je connais bien, celui des Hautes-Pyrénées. Tout à l’heure, on a cité comme exemplaires la Drôme et l’Auvergne. Je dois dire que les Hautes-Pyrénées ne se sont pas mal débrouillées. À ce moment-là, j’étais présidente du conseil général de ce petit département – qui compte 236 000 habitants – dont le budget est légèrement supérieur à 300 millions d’euros et le budget d’investissement compris entre 50 millions et 60 millions d’euros. Nous avons voulu 2 mégabits pour tous. Tout à l’heure, Mme Schurch a parlé de 0, 512 mégabit, disant qu’il faut s’en satisfaire. Or sachez, chère collègue, que beaucoup n’ont même pas 0, 512 ! Quoi qu’il en soit, nous avons dit 2 mégabits pour tous et 100 mégabits pour soixante sites prioritaires, notamment les zones économiques, en espérant aller plus loin. Cela a donné 422 kilomètres de fibre, l’ADSL, le wimax et le satellite pour tout ce qui serait résiduel. Et le coût pour notre département a été, pour 2012, de 29 millions d’euros. Il sera de 152 millions d’euros quand nous arriverons au terme de l’emprunt, dans vingt-cinq ans. Les aides s’élèvent à 800 000 euros au titre du FEDER. Combien avons-nous reçu de l’État ? Zéro, alors qu’il a tout de même profité des recettes fiscales engendrées par ces dépenses ! Voilà une situation qui est assez insupportable !
Alors, le très haut débit, oui, mille fois oui, partout et pour tous, oui ! J’ai envie de dire, d’expérience, que ce défi lancé par le Président de la République est un beau défi. Mais, comme tout défi, il faut le poser, il faut avoir de l’ambition. Monsieur Lenoir, vous parliez d’un rêve qui est devenu un cauchemar. Je vous dirai que toute aventure humaine commence par un rêve. Il faut le vouloir, tout simplement parce que c’est indispensable pour tous et partout ! On le veut, et on le veut parce que l’équipement numérique est indispensable pour le redressement industriel. Soyons réalistes, il n’y aura pas de redressement industriel sans l’équipement numérique ! Partant de cette base, il en faut donc partout !
Je reviens au département des Hautes-Pyrénées. On a fait les comptes. Combien cela coûte-t-il d’aller plus loin, c’est-à-dire d’aller vers le haut et le très haut débit pour tout le monde ? Hors zone dense, c’est-à-dire Tarbes et Lourdes, pour faire bénéficier de mesures égales l’espace qui reste, fort de 10 000 foyers, cela représente 152 millions d’euros – 2013 –, soit cinq fois le coût de l’équipement initial. C’est exorbitant !
Alors, je le redis : il faut vouloir. Cela signifie qu’il faudra savoir fixer les priorités. Ce ne sera pas facile. Mais il faut avoir cette ambition. Les collectivités ne pourront plus supporter ces investissements et elles le pourront encore moins demain qu’elles ne le pouvaient hier.