Je soulignerai, pour commencer, qu'avec cette communication s'ouvre la « séquence européenne » qui se déroulera à la commission des finances et au Sénat au cours des semaines à venir.
Ainsi, la semaine prochaine, l'audition du directeur général du Trésor et du directeur du budget nous permettra d'aborder la question des conséquences des nouvelles règles de gouvernance budgétaire européennes sur nos procédures nationales. La semaine suivante, notre commission entendra Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve, respectivement ministre de l'économie et des finances et ministre délégué chargé du budget, venus présenter le projet de programme de stabilité avant sa transmission à la Commission européenne, au plus tard le 30 avril. L'examen du projet de programme de stabilité se poursuivra avec la présentation en commission, le 23 avril, du rapport du rapporteur général, François Marc, sur ce dernier. Enfin, le 24 avril, à l'issue d'une déclaration du Gouvernement portant sur le programme de stabilité, se tiendra un débat en séance. En application de la Constitution, cette déclaration peut également, si le Gouvernement le décide, faire l'objet d'un vote. Aussi, j'ai demandé, en conférence des présidents, qu'un tel vote ait lieu ; toutefois, ce point n'a pas encore été tranché par le Gouvernement.
Je tiens à rappeler que cette procédure avait été appliquée en 2011 ; le Sénat avait débattu puis voté sur la base d'une déclaration de Christine Lagarde et François Baroin, alors respectivement ministres de l'économie et du budget, portant sur le programme de stabilité. Enfin, au mois de juin, le Sénat avait adopté une résolution, proposée par la commission des finances, sur la « recommandation de recommandation » de la Commission européenne sur le programme de stabilité et le programme national de réforme de la France. J'espère que cet exercice pourra être renouvelé, en son entier, en 2013.
Cette séquence sénatoriale fait écho à la procédure engagée au niveau de l'Union européenne, connue sous le nom de Semestre européen.
L'idée du Semestre européen est que, pendant les six premiers mois de l'année, les Etats débattent de la situation de leurs économies et de leurs finances publiques de façon à dégager, autant que possible, des priorités communes et donc de permettre que les budgets et les politiques nationales soient élaborés de manière coordonnée.
Pour éviter que des Etats ne s'écartent de ces orientations communes, a été instituée la procédure de correction des déséquilibres macroéconomiques et le pacte de stabilité a été renforcé.
C'est dans ce cadre que les Etats, lors du Conseil européen des 14 et 15 mars dernier, ont validé les priorités de politique économique identifiées par la Commission européenne. Ces priorités sont formulées de manière vague afin que tout le monde puisse s'y retrouver ! Elles sont, pour mémoire, au nombre de cinq. Il s'agit de procéder à un assainissement budgétaire différencié propice à la croissance - mais qui pourrait s'y opposer ! -, de revenir à des pratiques normales en matière de prêt à l'économie, de promouvoir la croissance et la compétitivité pour aujourd'hui et pour demain, de lutter contre le chômage et prendre des mesures pour faire face aux retombées sociales de la crise et de moderniser l'administration publique.
Tenant compte de ces priorités, les Etats membres devront adresser, avant le 30 avril, leur programme de stabilité ou de convergence et leur programme national de réforme.
Enfin, sur la base de ces documents, la Commission formulera des remarques entre la fin du mois de mai et le début du mois de juin, puis le Conseil de l'Union européenne adoptera des recommandations, aux alentours du début du mois de juillet, adressées à chacun des Etats.
Je tiens à souligner que, concernant le Sénat, l'examen des recommandations de la Commission et du Conseil sur le programme de stabilité et le programme national de réforme représente une séquence peut-être plus importante que celle portant sur l'élaboration du programme de stabilité de la France. En effet, ces recommandations influencent fortement l'élaboration du projet de budget de l'année à venir et des mesures de politique économique proposées par le Gouvernement.
J'en arrive maintenant à la question de l'association des parlements nationaux au déroulement du Semestre européen.
Cette procédure tend à acquérir une importance considérable, dans la mesure où les Etats membres seront, de plus en plus, tenus de mettre en oeuvre les recommandations adressées par leurs pairs. Le cadre mis en place par les règles de gouvernance européennes tendra progressivement à se resserrer sur les choix budgétaires et de politique économique des Etats.
S'agissant de la France, les principaux thèmes mis en avant depuis quelques mois par le Gouvernement sont issus des recommandations de juillet dernier : assouplissement du marché du travail, réduction des charges pesant sur le travail et basculement vers l'impôt de consommation et la fiscalité écologique, formation professionnelle, etc. Même s'il demeure beaucoup d'ambigüités à ce jour, il n'en reste pas moins que le Gouvernement est tenu de sembler, au moins, mettre en oeuvre ces recommandations.
Il est, en outre, indispensable de conserver une assise démocratique nationale alors que la gouvernance budgétaire européenne se fait de plus en plus intrusive ; personne au sein de notre commission ne niera, me semble-t-il, cette nécessité.
Les parlements nationaux restent souverains en matière budgétaire et fiscale, comme le parlement chypriote nous l'a récemment montré, au moins l'espace de quelques instants. Le bon fonctionnement de la coordination au niveau européen implique donc que les décideurs finaux, c'est-à-dire les parlements nationaux, participent aux discussions entre Etats.
Les problèmes rencontrés par les Etats sont largement communs et il est utile de connaître la manière dont les autres y répondent et, le cas échéant, de mettre en commun les bonnes pratiques.
Au niveau national, nous avons jusqu'ici focalisé notre implication sur le projet de programme de stabilité, avant sa transmission à Bruxelles, car ce document engage notre pays vis-à-vis de nos partenaires et, dans une certaine mesure, conditionne le contenu du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui sont discutés à l'automne. Il est donc essentiel que le Parlement soit consulté sur son contenu.
Comment apprécier les initiatives tendant à associer les parlements nationaux au Semestre européen ? Il en existe deux, à ce jour, qui se caractérisent par leur formalisme mais qui pourraient, toutefois, être porteuses d'espoirs.
S'agissant de la première initiative, le Parlement européen organise chaque année en janvier, à Bruxelles, la semaine interparlementaire sur le Semestre européen. Elle rassemble des parlementaires nationaux et des parlementaires européens.
Cette année, le Sénat y était représenté, le 29 janvier, par Richard Yung pour la commission des affaires européennes ainsi que par François Marc et moi-même pour la commission des finances.
Pour ma part, je trouve qu'il s'agit d'un exercice convenu et cadré. L'organisation et le déroulement des réunions sont phagocytés par le Parlement européen et la Commission européenne.
En outre, ces réunions ne sont ni opérationnelles, ni interactives. Cela s'explique à la fois par le trop grand nombre de participants - à cet égard, il est impossible de prendre la parole plus d'une fois - et par le fait que les thèmes de discussion sont trop généraux et insuffisamment préparés à l'avance.
Enfin, alors que le cadre budgétaire pluriannuel de l'Union européenne était en discussion, les débats ont souvent été accaparés par les Etats périphériques qui se sont livrés à une véritable « surenchère budgétaire », demandant l'accroissement des aides et investissements au profit de leur territoire.
Malgré tout, il faut reconnaître que ces réunions permettent de nouer des contacts, de développer des relations avec les parlementaires des autres Etats membres.
La deuxième initiative consiste en l'organisation, par le Parlement du pays qui assure la présidence tournante de l'Union européenne, de réunions des présidents de commissions des parlements nationaux.
Pour ma part, je me suis rendu les 24 et 25 février à Dublin pour la réunion des présidents des commissions des finances.
Il me semble que ces réunions constituent des forums utiles pour débattre des problèmes communs que nous rencontrons et échanger nos expériences. Je pense que notre collègue Jean Arthuis, qui avait participé à de telles réunions au cours de l'année dernière à Nicosie, pourra également nous faire part de son expérience et nous donner son avis sur leur déroulement. Je note, en tout cas, que la liberté d'esprit et de travail qui règne dans ces réunions est bien plus grande qu'à Bruxelles.
J'ai profité d'une session consacrée au rôle des parlements nationaux dans la gouvernance de l'Union économique et monétaire pour présenter à mes homologues le dispositif mis en place en France, consistant à transmettre au Parlement les projets de programme de stabilité avant leur transmission à la Commission, de façon à ce que celui-ci puisse débattre et voter sur ces projets.
J'ai également indiqué que nous avions adopté en 2011 une résolution européenne sur la base de « recommandation de recommandation » formulée par la Commission sur le programme de stabilité de la France.
Lors de ma participation aux différentes réunions interparlementaires, j'ai pu constater que les modalités d'examen par les parlements nationaux, notamment des programmes de stabilité ou de convergence, étaient très différentes selon les Etats. Aussi, je crois indispensable qu'il y ait une convergence des procédures afin d'assurer une participation effective des parlements nationaux à la gouvernance économique et budgétaire de l'Union.
Il me paraît important de nous arrêter quelques instants sur les initiatives à venir concernant l'association des parlements nationaux à la gouvernance européenne. Les réunions existantes vont, sans doute, être appelées à évoluer lorsque verra le jour la conférence prévue par l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, qui doit associer le Parlement européen et les parlements nationaux, pour débattre des politiques budgétaires et de toutes les questions régies par le traité.
L'article 13 précité stipule que « le Parlement européen et les parlements nationaux des parties contractantes définissent ensemble l'organisation et la promotion d'une conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et les représentants des commissions concernées des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires et d'autres questions régies par le présent traité ».
La Conférence des présidents des parlements des Etats membres de l'Union européenne s'est saisie de la question de la mise en oeuvre de l'article 13 du traité et travaille sur la forme que prendra la conférence réunissant le Parlement européen et les parlements nationaux. La discussion se poursuivra lors de la prochaine conférence des présidents du 21 au 24 avril à Nicosie.
À titre indicatif, les présidents des parlements des six Etats fondateurs préconisent que cette conférence soit organisée conjointement avec le Parlement européen mais présidée par l'Etat membre assurant la présidence tournante de l'UE.
Ils souhaitent qu'aient lieu au moins deux réunions par an dont une en juin, dans l'intervalle entre la publication par la Commission européenne de ses appréciations sur les programmes de stabilité et l'adoption, par le Conseil, de ses recommandations aux Etats.
Ils veulent également que cette conférence puisse entendre, à sa demande, les responsables des principales institutions européennes.
La conférence aurait vocation à produire une « contribution collective » sur l'évolution de l'Union économique et monétaire et à réagir aux documents émanant de la Commission européenne.
Peut-être s'agira-t-il de l'amorce d'un réel débat parlementaire européen. En effet, toute instance parlementaire ne commence à exister que dès lors qu'elle dispose d'un secrétariat, que ses débats font l'objet d'un compte-rendu et, surtout, qu'elle a la possibilité d'adopter un texte qui peut être amendé par ses membres.
Pour mémoire, je rappellerai que la résolution du Sénat du 20 novembre 2012 demande « que le contrôle de la supervision bancaire européenne soit une des missions explicites de la formation chargée de la zone euro au sein de la Conférence interparlementaire prévue à l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire ou, à défaut, fasse l'objet d'une commission ad hoc de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) conformément à l'article 10 du protocole n° 1 annexé au Traité de Lisbonne ». Cette résolution, proposée par Richard Yung et examinée par la commission des finances, visait expressément à donner un contenu à cette conférence interparlementaire et à l'inviter à élargir son champ d'analyse au-delà des problématiques strictement budgétaires.
En conclusion, quelles évolutions pouvons-nous préconiser ? Tout d'abord, je pense que les réunions interparlementaires, si l'on veut qu'elles soient utiles et qu'elles ne perdent pas leur crédibilité, doivent cesser de consister essentiellement en une succession de propos vagues sur des thèmes, essentiellement techniques, assez éloignés des préoccupations de nos concitoyens.
Ensuite, ces réunions doivent être l'occasion de débattre des difficultés communes auxquelles sont confrontés les parlements dans leurs Etats respectifs et des solutions qu'ils mettent en oeuvre pour y remédier, en établissant une sorte de benchmarking. Il est nécessaire que les sujets abordés soient, en outre, concrets ; j'avais suggéré le thème de la fiscalité des multinationales de l'Internet, mais on peut en imaginer d'autres : la convergence fiscale, la résolution bancaire, etc.
C'est dans cet objectif de rendre la discussion entre Européens plus concrète et plus opérationnelle que j'ai proposé à Dublin que les réunions interparlementaires fassent désormais l'objet d'une organisation collégiale, notamment en ce qui concerne le choix des sujets traités.
Je m'apprête donc à faire parvenir aux présidents des commissions parlementaires des finances des États faisant partie de l'actuel trio de présidences, à savoir l'Irlande, la Lituanie et la Grèce, un courrier les invitant à s'inscrire dans une telle démarche.
Le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, qui était représenté à Dublin par notre collègue Valérie Rabault, est prêt à s'associer à cette initiative.
J'ai d'ores et déjà fait part de ce projet à M. Lynch, président de la commission du budget du Parlement irlandais, ainsi qu'à M. Glaveckas, vice-président de la commission des finances du Parlement lituanien.
Enfin, je propose de poursuivre deux objectifs : développer les relations entre Etats membres pour partager les bonnes pratiques, d'une part, et maintenir un lien entre les débats nationaux et les questions traitées à l'échelle européenne, de manière à éviter que les gouvernements ne disent à Bruxelles l'inverse de ce qu'ils font chez eux et à enrayer la déconnection entre les questions traitées au niveau européen et leur perception par les citoyens dans chacun des Etats membres, d'autre part.
Je m'efforcerai de promouvoir à nouveau ces idées les 15 et 16 septembre prochains à Vilnius, lors de la prochaine réunion des présidents de commission des finances.