Intervention de Leila Aïchi

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 2 avril 2013 : 1ère réunion
Protection du milieu marin de l'atlantique du nord-est — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi, rapporteur :

Nous sommes ici tous conscients de l'enjeu que représentent la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète face aux agressions qu'elle subit au quotidien. 15 États européens et l'Union européenne sont signataires de la convention OSPAR dont l'objet est la préservation de l'environnement marin dans l'Atlantique du Nord-Est. Le champ d'application géographique de la convention englobe la majeure partie de l'Atlantique du Nord-Est, sur une superficie d'environ 13,5 millions de kilomètres carrés, et donc une partie de la zone Arctique, zone unique qu'il convient de préserver à tout prix des convoitises.

La convention interdisait, dans sa rédaction initiale, l'immersion en mer des déchets et autres matières. Or, récemment, des développements en matière de stockage, notamment géologique, de CO2, se sont fait jour, et la commission OSPAR a donc, par consensus, adopté des modifications au texte initial en autorisant sous certaines conditions le stockage sûr et permanent des flux de CO2 d'origine anthropique dans les structures géologiques du sous-sol marin, tout en respectant les principes de garantie de la protection de la mer.

Le premier amendement concerne l'annexe II de la convention, relative à la prévention et la suppression de la pollution par les opérations d'immersion ou d'incinération : à l'article 3, paragraphe 2, dans la liste des déchets ou autres matières pouvant faire l'objet d'une autorisation d'immersion, sont ajoutés, à certaines conditions, les flux de dioxyde de carbone résultant des processus de captage du dioxyde de carbone en vue de son stockage.

Le second amendement porte sur l'annexe III de la convention OSPAR sur la prévention et la suppression de la pollution provenant de sources offshore : sont ajoutés à l'article 3, 2 paragraphes qui traitent, dans les mêmes conditions que celles de l'annexe II modifiée, du stockage de CO2 à partir d'exploitations offshore.

C'est sur ces deux amendements que le Sénat est saisi aujourd'hui.

Concrètement, comment cela se passerait-il ? Cela requiert tout d'abord que le CO2 soit capté sur son lieu d'émission et acheminé jusqu'à son lieu de stockage. L'acheminement se fait par canalisation, par navire, ou par combinaison des deux, jusqu'à une plateforme à partir de laquelle l'injection dans le sous-sol pourra être réalisée. Trois modes de stockage géologique sont possibles : le stockage dans les gisements d'hydrocarbures matures, dans les aquifères salins profonds et dans les veines de charbon inexploitées.

Le stockage doit préalablement faire l'objet d'un permis pour une formation géologique précise et pour une qualité de flux de CO2 clairement identifiée. La qualité du flux de CO2 doit répondre à la contrainte réglementaire selon laquelle le flux de CO2 doit être majoritairement composé de dioxyde de carbone : aucun déchet ni aucune autre matière ne peut y être ajouté en vue de son élimination.

En Europe, les projets de stockage offshore concernent essentiellement la mer du Nord (stockage dans des formations géologiques ayant contenu des hydrocarbures et stockage dans des aquifères profonds). En Norvège, les projets opérationnels de Snøhvit et de Sleipner permettent respectivement de stocker annuellement environ 0,7 mégatonne et 1 mégatonne de CO2.

Quels sont les avantages d'une telle technique ? Elle est récente, donc le recul n'est pas très important. Néanmoins, les études faites en la matière s'accordent à dire que plusieurs tonnes de CO2 pourraient être épargnées à l'atmosphère grâce à cette technique : 30 à 40 % selon le GIEC, 20 % des réductions d'émission de dioxyde de carbone mondiales souhaitées d'ici 2050 selon l'AIE, ... En termes de capacités de stockage, on parle de gigatonnes disponibles pour le stockage du CO2.

Les coûts, par contre, sont peu attractifs : en moyenne 46 €/tonne pour cette technique, alors que le prix de la tonne de CO2 sur le marché s'établit aujourd'hui à 5 €/tonne, soit un surcoût de 41 €/tonne ! Il y a un travail de prise de conscience à effectuer à ce sujet, car il est aujourd'hui plus rentable pour une entreprise de polluer, de rejeter son CO2 dans l'atmosphère, plutôt que d'agir pour limiter son impact.

L'idée ne semble pas mauvaise, et on ne peut que se réjouir de cette volonté de faire baisser la quantité de gaz carbonique dans l'atmosphère. Néanmoins elle appelle chez moi quelques interrogations.

La première d'entre elles concerne les fuites. On parle de captage et stockage de CO2 dans les zones géologiques sous-marines, et même si le processus est surveillé, il n'est pas exempt de risques pour autant ! Une fuite est toujours possible, et les conséquences seraient dramatiques pour l'écosystème local : acidification de l'eau et répercussions sur les poissons et la flore présente sur la zone touchée.

Ensuite, une très grande confiance est accordée aux opérateurs, or une défaillance de leur part n'est pas inenvisageable ! Une autorité de contrôle, chargée d'effectuer des inspections pour vérifier la conformité du stockage avec celle du permis accordé, sera en place. Il faudra veiller à ce que cette autorité puisse être globale et multipartite, et ait accès à toutes les informations et tous les documents utiles pour pouvoir réaliser un contrôle réel, objectif, dans le but premier de la préservation de l'environnement.

Enfin, c'est un procédé intéressant, mais qui masque plus qu'il ne solutionne vraiment le problème du changement climatique. Ce n'est pas une technique miracle, et pour espérer avoir réellement un impact positif sur le changement climatique, il faut aussi, et surtout, continuer à promouvoir les réelles techniques de lutte, comme le développement des énergies renouvelables ou la maitrise de la consommation d'énergie.

Pour toutes ces raisons, et en accord avec la ligne défendue par mon groupe, je m'abstiendrai et m'en remettrai à la démocratie de la commission sur l'issue que vous souhaitez donner à ce texte. Par ailleurs, s'agissant d'un sujet important, je demanderai qu'il passe en séance publique selon la procédure normale, et non simplifiée.

Enfin, je regrette que la question de l'Arctique, liée à cette convention, ait si peu intéressé notre commission, il s'agit pourtant d'un sujet majeur porteur d'enjeux environnementaux, d'accès aux matières premières, et intéressant des pays comme les États-Unis, la Chine, la Russie et le Canada.

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