Il existe deux aspects de la lutte contre le dopage, l'aspect éthique et l'impact sur la santé.
S'agissant de l'aspect éthique, on a raison de parler du problème de l'argent, mais il faut également tenir compte de la nature humaine. Presque tout le monde veut gagner, être le premier. Le dopage existe au plus haut niveau, mais chacun veut avoir le dessus dans une compétition. Chacun éprouve un désir de puissance. Les moyens naturels ne permettant pas à tout le monde de réaliser ses désirs, certains choisissent de se faire accompagner par des produits illicites.
Quant à la régulation des moyens financiers, elle soulève la question de l'organisation mondiale du sport. Nous avons été les premiers, en France à changer le statut des clubs sportifs. Dieu si l'on s'est alors fait quelques ennemis intimes... On est passé du statut associatif à celui des sociétés à objet sportif, qui permettent un meilleur contrôle des flux. Certains pays n'ont toutefois pas adopté ce système. Aucun contrôle ne peut donc avoir lieu, en particulier en matière de transferts. C'est un autre sujet... Vous avez donc raison : il y a bien là un véritable problème de régulation des moyens financiers !
En second lieu, si l'on souhaite que le sport soit un élément du développement de la personne, il doit concerner le physique mais aussi tenir compte de l'éthique. On a toujours dit que le sport devait être l'école de la vie : on ne doit donc pas tricher mais, au contraire, apprendre à respecter la règle. D'où la nécessité d'avoir des règles...
Je pense également qu'il faut réguler les saisons. Quant aux compétitions, elles se font en fonction des moyens dont on dispose. Une compétition cycliste peut compter quatre, cinq ou six cols : les coureurs font la course en fonction de la difficulté. Parfois, les premiers cols se montent calmement : c'est ensuite qu'on accomplit l'effort !
Les étapes étaient plus longues à l'époque où l'on ne parlait pas du dopage comme aujourd'hui ! Mon père, Paul Néri, a couru le Tour de France en 1947. La première étape était Paris-Lille, la seconde Lille-Bruxelles et la troisième Bruxelles-Luxembourg. La course ne se faisait pas dès le départ : on la menait autrement... Lors des étapes de cols, les précédentes se faisaient plus sereinement. Le sportif s'autorégulait. C'est parce que le dopage existe qu'il n'y a plutôt d'autorégulation et que l'on assiste à des exercices au-delà du naturel !
Avec la mondialisation du sport, la saison a lieu toute l'année, et ce dans tous les sports : on joue au rugby dans l'hémisphère Nord et on va faire une pige dans l'hémisphère Sud ! Il s'agit, là encore, de questions d'argent... Il faut donc que les fédérations régulent les saisons.
Pour ce qui est de l'AUT, soit l'on est malade, soit on ne l'est pas. Dans le premier cas, on doit être en arrêt de travail, comme tout salarié. Si l'on est amateur, quelle importance de ne pas participer à l'épreuve ? Il faut absolument empêcher l'utilisation thérapeutique, porte ouverte à la tricherie éhontée !
Par ailleurs, nous nous sommes battus en faveur de l'inscription des contrôles inopinés dans la loi parce que l'on sait aujourd'hui recourir à des dopages à effet retard qui ne laisseront aucune trace dans trois mois ! Il convient d'adapter la lutte antidopage aux progrès scientifiques du dopage et avoir le courage d'aller jusqu'au bout en matière de contrôles inopinés et de condamnation des AUT. Ce problème de santé publique est essentiel.
Enfin, je serais quant à moi favorable à l'engagement d'une étude épidémiologique pour connaître la durée de vie des sportifs. En effet, certaines disciplines déplorent des disparitions bien trop précoces !