Intervention de Pierre Bordier

Commission d'enquête sur la lutte contre le dopage — Réunion du 20 mars 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre Bordry ancien président de l'agence française de lutte contre le dopage

Photo de Pierre BordierPierre Bordier :

L'AFLD a, par rapport au CPLD, une concentration de pouvoirs très forte. Le directeur des contrôles est totalement indépendant et élabore chaque année son plan d'organisation. Précédemment, seul le ministère des sports assurait ces contrôles.

Par ailleurs, le LNDD n'est plus un établissement administratif sous tutelle du ministère, mais devient membre de l'AFLD, et son directeur doit également être parfaitement indépendant.

Le plus gênant réside dans le fait que l'AFLD perd les antennes médicales au profit du ministère, qui ne les a pas développées, ainsi qu'un certain nombre de moyens en matière de recherche et de prévention. Or, cette dernière est extrêmement importante.

Cette concentration de pouvoir au sein de l'AFLD est selon moi un peu trop forte. Je crois que si l'on veut renforcer la lutte antidopage, il faut modifier la structure actuelle de l'AFLD -mais ce n'est pas votre question...

Vous m'avez demandé si nous avions subi des pressions. Tout comme Mme Buffet, nous en avons subi. Elles étaient de toute nature, mais nous avons réagi assez rapidement, et les gens se sont méfiés, la justice nous ayant donné raison. Nous avons conforté notre position et les pressions se sont donc faites plus rares.

Dans l'affaire Landis, le ministre des sports a essayé de nous convaincre de ne pas poursuivre ce coureur, et de laisser faire l'UCI et l'AMA. Nous n'étions pas de cet avis, pour une raison simple : les procédures étant à l'époque tellement longues, nous craignions que Floyd Landis fasse le Tour de France 2007 sans avoir été jugé !

Il n'a d'ailleurs été sanctionné par l'AMA qu'en novembre 2007, et aurait donc été en situation de faire le Tour de France. Nous nous sommes dit que, pour l'AFLD, qui se mettait en place, il aurait été choquant que Floyd Landis, dopé en 2006, puisse participer au Tour de France 2007 !

Nous avons donc persisté, avec le souci non de sanctionner Floyd Landis, mais d'obtenir de lui un engagement qu'il ne fasse pas de compétition durant l'année 2007. C'est ce à quoi nous sommes parvenus, mais, trois jours avant la séance à laquelle nous avions convoqué les avocats de Floyd Landis, le ministre des sports a fait une conférence de presse pour dire que nous avions eu tort d'organiser cette procédure !

Les journalistes se sont précipités à l'AFLD pour savoir si nous renoncions à cette séance. Nous n'avons pas renoncé, car nous tenions à avoir satisfaction, et savions déjà que les avocats de Floyd Landis allaient venir avec une lettre disant que leur client renonçait à la compétition durant l'année 2007. Ayant relevé que je n'avais pas l'intention de résister aux pressions, le ministre m'a poursuivi devant la 17ème chambre correctionnelle du tribunal de Paris pour diffamation ! Nous nous sommes donc affrontés devant le tribunal.

Le tribunat a jugé cette affaire en disant que le président d'une autorité indépendante, s'il a le sentiment de subir des pressions, doit les rendre publiques pour que cela ne se reproduise pas. Le ministre a fait appel. L'appel a confirmé la première instance, en ajoutant que le devoir du président d'une autorité indépendante, s'il le jugeait utile, était de lancer des grands débats nationaux dans son domaine de compétences. L'AFLD est ressortie confortée de ces pressions qui nous ont conduits au tribunal.

Des pressions se sont également exercées contre le LNDD pour tenter de le déstabiliser par le biais de l'intrusion informatique que j'évoquais tout à l'heure.

Floyd Landis a été sanctionné et condamné par le tribunal. Il a décidé de ne pas faire appel, mais beaucoup de choses se sont déclenchées le jour où, étant à la fois plaignant et partie civile pour le compte de l'AFLD, le juge de Nanterre m'a convoqué pour me faire prendre connaissance du dossier. Il en ressortait qu'il avait lancé un mandat d'arrêt contre Floyd Landis, qui ne s'était pas présenté à une précédente convocation.

Le juge m'a laissé entendre qu'il serait opportun que je l'annonce. Ayant le droit de parler en qualité de partie civile, j'ai réuni des journalistes américains et ai informé la presse américaine du mandat d'arrêt contre Floyd Landis pour intrusion dans le système informatique du LNDD. Ceci a causé une véritable explosion médiatique aux États-Unis. Le président de l'AMA, avec lequel j'ai toujours eu de bonnes relations, a alors accompagné Floyd Landis pour qu'il s'explique. C'est une des raisons du rapport de l'USADA.

Vous m'avez demandé quelles étaient les évolutions en matière de dopage... Ce qui est frappant dans l'histoire de Lance Armstrong, c'est qu'il prend des produits que tout le monde prenait. Ce qui est nouveau, comme le reconnaît l'AMA, c'est la sophistication de la protection du coureur. Lance Armstrong est particulièrement protégé. Le rapport de l'USADA cite ainsi des éléments de notre rapport 2009 relatif à la difficulté des préleveurs pour approcher Lance Armstrong ou son équipe...

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