Intervention de Marc Sanson

Commission d'enquête sur la lutte contre le dopage — Réunion du 20 mars 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Marc Sanson ancien président du conseil de prévention et de lutte contre le dopage

Marc Sanson :

On ne peut pas faire une réponse unique à votre question générale. Les motivations sont très diverses suivant l'âge du sportif, son niveau de pratique, suivant qu'il est amateur ou professionnel, et suivant le sport qu'il pratique, où tous les enjeux ne sont pas les mêmes. Je ne fais pas de distinction entre les différentes motivations. Je ne les hiérarchise pas. J'ai cité parmi les raisons de la banalisation du dopage certains phénomènes de société, comme le vedettariat, l'argent, le show, le fait de gagner en notoriété, de gagner des médailles, des coupes, etc.

On se dope aussi pour maintenir un niveau de performance ou l'augmenter, et l'on trouve la justification du dopage dans les résultats que l'on obtient. On se ment naturellement à soi-même, et l'on ment à son entourage.

Je pense que l'orgueil constitue également un moteur du dopage. Quand on est sportif, on a de l'amour-propre. On a envie de gagner. On n'aime pas perdre -même quand on n'est pas sportif d'ailleurs- et cela amène des abus. Certains de ces abus peuvent être anodins et d'autres plus dangereux. On entre dans un engrenage, et les doses deviennent de plus en plus fortes. Il est très difficile d'en sortir.

Quant aux relations que j'entretenais avec le ministère et le ministre des sports de l'époque, elles n'étaient pas bonnes, pas plus que celles qu'entretenait avec eux mon prédécesseur ou, ensuite, Pierre Bordry.

Le rôle du CPLD n'a pas été facilité. Il fallait lutter pour obtenir le maintien des crédits, parfois même en appelant le cabinet du Premier ministre. Fort heureusement, j'avais un soutien en la personne de Michel Boyon.

Le CPLD n'avait qu'un rôle d'observateur et n'a pu intervenir au moment de la mise au point finale de la convention de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) concernant la lutte contre le dopage. On ne nous a donné qu'un strapontin, alors que nous avions des choses à dire...

On a mis des bâtons dans les roues au CPLD, lorsqu'il a voulu organiser un colloque pour présenter ses résultats et ses projets en matière de recherche contre le dopage. Le Sénat y a d'ailleurs joué un petit rôle : cette présentation devant avoir lieu au Sénat, le ministre a demandé que le Sénat ne nous donne pas de salle ! Nous nous sommes rabattus sur l'UNESCO -ce qui n'était pas plus mal. Le ministre est intervenu au cours de la séance inaugurale, mais le CPLD prenait trop d'importance. Lorsqu'il était interviewé, le ministre parlait beaucoup de la lutte contre de le dopage, mais jamais du CPLD.

J'ai le sentiment que le ministère pensait avoir été dépossédé de ses compétences en matière de dopage, du fait de l'existence de cette autorité administrative indépendante. Il aurait préféré une commission administrative placée auprès de lui. Ce n'est spécifique ni à ce ministre, ni à ce domaine : j'en ai connu d'autres où c'était la même chose.

J'ai l'impression qu'il ne souhaitait pas conserver les contrôles en matière de dopage, qui comportaient plus de coups à prendre que de compliments à recevoir, mais qu'il désirait en revanche être seul compétent en matière de recherche, plus valorisante. Toutefois, le ministère n'avait pas de moyens en la matière. En outre, le CPLD avait développé de vraies compétences dans ce domaine, en organisant des réunions périodiques mensuelles avec des spécialistes français et étrangers et en soutenant, dans la mesure de ses moyens, certaines recherches scientifiques.

Je n'ai pas subi moi-même de pressions pour faire ou ne pas faire de contrôles, ou ne pas en révéler les résultats, le CPLD n'étant pas en charge de l'organisation des contrôles à l'époque.

Des problèmes avec les fédérations pouvaient également avoir lieu. Toutes ne jouaient pas le jeu, faisant mine de ne pas voir le problème, prononçant des sanctions légères ou évitant de les publier, invoquant des problèmes de procédure ou un manque de compétences juridiques pour prononcer une sanction. Elles laissaient passer le délai pour que l'affaire soit transférée au CPLD, qui, lui, devait prendre ses responsabilités.

Je ne peux pas dire non plus, comme on l'a prétendu, qu'on m'aurait conseillé, en 2005, de rester calme pour que la France obtienne les jeux olympiques.

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