Intervention de Bruno Genevois

Commission d'enquête sur la lutte contre le dopage — Réunion du 21 mars 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Bruno Genevois président de l'agence française de lutte contre le dopage

Bruno Genevois, président de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) :

Vous entrez vite dans le vif du sujet ! Le problème, c'est le défaut de transparence. Lors des rencontres périodiques qu'elle organise ou des conférences des États parties à la convention de l'Unesco, l'AMA nous présente des analyses globales. Nous apprenons par exemple qu'en 2011, sur l'ensemble de la planète, le taux de contrôles positifs était de 1,81 % - le taux de l'Agence française est plus élevé. Les recherches d'EPO, qui supposent une demande spécifique et coûtent plus cher, sont trop peu nombreuses. Il s'agit d'un diagnostic très global. Le seul cas où des défaillances ont été récemment soulignées est celui de l'Union cycliste internationale (UCI). C'est insatisfaisant.

J'ai rassemblé quelques données chiffrées : l'Union européenne de football association (UEFA) a consacré en 2009-2010 1,2 million d'euros aux contrôles antidopage, soit 0,09 % de ses recettes qui s'élèvent à 1,394 milliard d'euros ; selon Denis Oswald, les fédérations olympiques d'été dépensaient en 2011 environ 35 millions d'euros par an pour la lutte contre le dopage ; Stuart Miller, qui est le responsable de la lutte contre le dopage au sein de la Fédération internationale de tennis, m'a indiqué le 14 juin 2011 que celle-ci y consacrait 1,3 million d'euros par an - or dans ce sport, les compétitions se déroulent tout au long de l'année et presque toutes sont internationales.

J'ai essayé de nouer le dialogue grâce à l'entremise de la fédération française : je n'ai pas rencontré un accueil très enthousiaste : l'on m'a offert de contrôler le tournoi de Montpellier ; j'ai demandé non Roland Garros mais Paris-Bercy ; la fédération internationale ne s'est pas manifestée. Elle ne souhaite pas que nous nous occupions de son domaine de compétence.

Nous avons obtenu de contrôler des matchs du tournoi des Six nations... pour deux joueurs par équipe pour un match ayant lieu en France. Si nous voulons faire davantage de contrôles, c'est à nous de les payer. Le code du sport reconnaît aux fédérations internationales un monopole du contrôle des compétitions, et une agence nationale ne peut intervenir qu'avec leur accord ou, en cas de désaccord, sur arbitrage favorable de l'AMA, ce qui est difficile à obtenir. Il est bien compliqué de savoir quelle est l'ampleur des contrôles réellement effectués.

Selon des informations officieuses, il y aurait eu lors de la dernière coupe du monde de football, qui a opposé 32 équipes en Afrique du Sud pendant un mois, quatre contrôles urinaires et un contrôle sanguin par équipe. C'est notoirement insuffisant. Je voudrais davantage de transparence. Il serait bon que les fédérations internationales rendent compte à l'AMA de l'effectivité des contrôles qu'elles doivent effectuer, d'un point de vue quantitatif et qualitatif. Nous manquons de données, et je pense que les contrôles sont en deçà de la réalité du phénomène.

Il serait logique qu'une législation de lutte contre le dopage s'applique sur le territoire de la République, sous réserve des conventions internationales. Pour accueillir sur notre territoire de grands événements sportifs, il a fallu trouver un compromis avec le mouvement sportif international. Pour une compétition internationale, c'est la fédération internationale qui est compétente, l'agence nationale pouvant simplement demander à pratiquer des contrôles additionnels. Cela a bien fonctionné en 2009 lors du tournoi de Paris-Bercy : la Fédération internationale de tennis ne pratiquait que des contrôles urinaires, l'AFLD a proposé de pratiquer des contrôles sanguins et a obtenu gain de cause.

Pour le Tour de France 2010 il y a eu plus de difficultés : l'AFLD a sollicité l'arbitrage de l'AMA afin d'effectuer des contrôles additionnels sur la base de renseignements qu'elle pouvait obtenir des services de police et de gendarmerie sur le fondement de l'article L. 232-20 du code du sport. L'arbitrage nous a été défavorable, mais l'AMA a dépêché sur le Tour des observateurs indépendants, dont le rapport, rendu en octobre 2010, a conclu à la nécessité d'un rapprochement entre l'AFLD et l'UCI.

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