Les techniques traditionnelles ne doivent pas être abandonnées. Travis Tygart, le président de l'Agence américaine a expliqué s'être beaucoup servi des résultats de deux contrôles : celui de Floyd Landis et celui de Tyler Hamilton. Floyd Landis a dénoncé certains coéquipiers ; les investigations ont donné lieu à vingt-six témoignages dont onze de coéquipiers. Ces contrôles ont un intérêt, pourvu qu'ils soient bien ciblés et non effectués à l'aveugle comme le prévoient certains règlements antidopage. Il est nécessaire de mettre en oeuvre de façon judicieuse toute une panoplie de moyens, de partager l'information entre agences, et de faire un bon usage des contrôles inopinés.
J'ai reçu la semaine dernière une délégation de sportifs dirigée par Serge Simon. Nous nous sommes accordés sur l'idée que le contrôle n'est pas une fin en soi ; il doit simplement dissuader certaines catégories de sportifs, ceux qui entrent dans le champ de l'article L. 232-15 du code du sport, d'avoir recours à des substances ou des pratiques interdites difficilement détectables en compétition. Par une note du 5 décembre 2011, j'ai demandé au directeur des contrôles de faire précéder d'un préalable contradictoire l'inscription d'un sportif sur la liste du groupe-cible de l'Agence: inutile de les astreindre à une obligation de localisation s'ils sont sur le point d'arrêter leur carrière ou que leur fédération internationale les a placés dans son propre groupe-cible. Le 10 octobre 2012, le Conseil d'État a estimé que cette inscription devait être effectuée non plus par le directeur des contrôles mais par le collège de l'Agence. Selon l'ordonnance du 14 avril 2010, l'inscription n'est valable qu'une année et ces formalités sont respectées en cas de renouvellement. Dans ces conditions, les contrôles ne portent pas atteinte aux libertés, et sont utiles. Je me suis opposé avec succès à ce qu'on inscrive dans le code mondial que le sportif devait être disponible pour des contrôles à tout moment - j'ai même été invité à préparer une rédaction conciliant les nécessités du contrôle et les droits fondamentaux des sportifs.
Christian Prudhomme, directeur général du Tour de France, partage la volonté de tous les responsables de cette société de lutter efficacement contre le dopage. Lors du premier entretien que j'ai eu avec lui, il m'a indiqué que la sanction de deux ans d'interdiction à la première infraction lui semblait insuffisante. Ce n'est pas faux : Jörg Jaschke nous a expliqué que le sportif, pourvu qu'il garde le silence pendant l'interdiction, était ensuite accueilli à nouveau par la communauté. C'est pourquoi nous avons maintenu la sanction de quatre années décidée par la Fédération française de cyclisme à l'encontre d'un sportif - mais l'affaire est pendante devant le Conseil d'État.
Le code incrimine, en ses articles L. 232-9 et 232-10, la détention chez le sportif, la détention et l'usage chez le non-sportif. M. Prudhomme souhaitait renforcer l'arsenal contre les entourages, mais les moyens juridiques ne font pas défaut. Le problème, dans un contexte d'omerta, est plutôt la recherche de la preuve. C'est pourquoi il pourrait être judicieux d'incriminer pénalement l'usage par le sportif, afin que les services de police disposent d'un moyen de pression pour mettre au jour les réseaux. C'est un sujet difficile, car notre législation a toujours considéré le sportif dopé comme la victime d'un système, et non comme le protagoniste. Il revient au Parlement dans sa sagesse de trouver un équilibre.