Le mouvement sportif est-il juge et partie ? L'intérêt du modèle français est d'armer la puissance publique dans ses rapports avec les fédérations. En avril 2012, Mme Jouanno, alors ministre des sports, a subordonné le renouvellement de la délégation accordée aux fédérations à la présentation d'un plan de prévention du dopage. C'est une excellente chose. De même, en mars 1999, la loi de Marie-George Buffet a généralisé une pratique spontanée de la fédération française de cyclisme prévoyant le suivi longitudinal des coureurs : c'est devenu la surveillance médicale réglementée. Jean-Pierre de Mondenard dit : les gendarmes sont les voleurs. Pas tout à fait ! L'État encourage les efforts du mouvement sportif. La désignation des instances disciplinaires des fédérations est entourée de garanties : l'Agence doit donner son aval. Je constate un progrès de la qualité des décisions rendues. Si le mouvement sportif était tenu à l'extérieur, une stratégie d'évitement se développerait.
Sur le plan international, j'appelle de mes voeux plus de transparence, et une révision des règles : en particulier, les agences nationales antidopage ne devraient pas avoir à solliciter une quelconque autorisation d'une fédération internationale pour mener des contrôles lors de compétitions sur le territoire national.
Vous m'interrogez sur l'affaire Armstrong. J'ai pris mes fonctions en octobre 2010 seulement. Je peux donc seulement rendre compte de ce dont j'ai été témoin ou de ce qui m'a été rapporté dans le cadre de colloques ou de symposiums. J'ai été troublé par ce qui s'est produit lors du Tour de France 1999. Si le 4 juillet 1999, lors d'un contrôle, Armstrong indique sur le procès verbal n'avoir pris aucun produit ; si le contrôle révèle la présence de glucocorticoïdes interdits ; et si le 21 juillet surgit miraculeusement une autorisation d'usage thérapeutique, il faut demander aux protagonistes des éclaircissements. Certes, une autorisation d'usage thérapeutique n'est pas nécessairement exigible avant le contrôle : selon la jurisprudence du Conseil d'État, le sportif peut apporter des justifications médicales au stade de la procédure disciplinaire, mais il faut être très exigeant : une ordonnance antidatée ne fait pas l'affaire.
Ces interrogations ont été renforcées par le récit de Luis Horta, président de l'agence portugaise de lutte contre le dopage. Expert de l'AMA sur le Tour de France 2003, il eut la surprise, en se présentant à 6 heures 30 à l'hôtel d'une équipe pour un contrôle inopiné, d'être reçu par le directeur sportif qui semblait l'attendre, et dut patienter 35 minutes avant de pouvoir effectuer un contrôle sur un coureur. On peut s'interroger sur le caractère réellement inopiné des contrôles, même si nous essayons de mieux les cibler, de les effectuer en amont des compétitions et en retardant au maximum le choix du sportif contrôlé.