Intervention de Serge Préveraud

Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe — Réunion du 3 avril 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Serge Préveraud président de la fédération nationale ovine fno

Serge Préveraud, président de la fédération nationale ovine :

Pour votre information, je suis éleveur de moutons dans le sud du département de la Vienne.

La diminution du cheptel ovin français a débuté il y a trente ans, lorsque, dans les années 80, notre filière fut la première à recevoir des aides accompagnées d'un alignement sur le prix mondial. Le nombre d'animaux a baissé de 50 à 60 %, notre autosuffisance est passée de 80 % à 45 % et la baisse des revenus les éleveurs les a conduits, sauf dans les zones de montage, à se diriger vers l'élevage bovin, le lait ou les céréales. Pour résister à la concurrence, nous avons mis en place des signes officiels de qualité qui nous assurent un avantage de 1 euro à 1,50 euro par kilo par rapport aux moutons anglais. Parmi ses faiblesses, la filière ovine a la particularité de nécessiter beaucoup de bras et d'être très technique alors que beaucoup d'épouses qui travaillaient auparavant avec leur mari ont trouvé un emploi à l'extérieur.

Est ensuite venue la période 2007-2008 au cours de laquelle nous avons demandé aux pouvoirs publics d'agir, faute de quoi, comme celle du cheval de trait, cette production pouvait disparaitre. Nous avons travaillé avec Michel Barnier comme avec les parlementaires de gauche et de droite et nous avons réussi. L'élevage ovin représentait 80 000 exploitants dont 50 000 ayant plus de 10 brebis et - coeur de la filière - 23 000 éleveurs, considérés comme professionnels, en percevant des aides. Si cette production est très présente dans les zones de montagne, elle existe en réalité dans tous les départements. Une volonté politique et syndicale forte ont permis un rééquilibrage au moment du bilan de santé de la PAC consistant à attribuer 125 millions d'aides supplémentaires au profit de ce secteur, soit 24 euros par brebis, au titre des mesures dites de l'article 68. Nous avons souhaité orienter ces aides en les réservant aux éleveurs dont la productivité est au minimum de 0,7 agneau par brebis et en conditionnant 3 des 24 euros à une contractualisation. La carence de l'élevage ovin, comme des autres productions, étant la gestion de l'offre, nous avons, non sans difficulté, demandé à chaque éleveur d'établir un plan prévisionnel de production. Grâce à la base de données mise en place par Emmanuel Coste, président de l'interprofession, nous pouvons ainsi anticiper les périodes de creux et de pointes de production afin, dans ce dernier cas, de mettre en place des opérations avec les grandes surfaces. Lorsque l'aide de 24 euros a été instaurée, tout le monde nous prédisait qu'elle serait récupérée par l'aval. Or, le prix des agneaux a augmenté au cours des trois années suivant la réforme. Je tire une fois de plus mon chapeau à Emmanuel Coste car nous sommes la seule filière parvenue à conclure un accord interprofessionnel, Interbev ovins qui regroupe 13 familles. Comme pour un bateau au large, il nous faut tous ramer ensemble pour faire avancer. L'accord interprofessionnel a créé un climat qui conduit chacun, y compris les grands groupes industriels comme Bigard ou la coopération, à mener avec nous un travail très intéressant.

La baisse des prix au mois de janvier 2013 s'explique par deux phénomènes : d'une part, confrontés à une très forte sécheresse les privant d'herbe, les Néozélandais ont vendu beaucoup d'agneaux - c'est un système très libéral - et d'autre part, comme à leur habitude, les consommateurs anglais en ont profité pour acheter l'agneau néozélandais à bas prix et exporter les leurs, notamment vers la France. L'été et l'automne très humides en Angleterre ne leur ayant pas permis de le faire entre septembre et décembre 2012, ces importations ont été reportées aux mois de janvier et février 2013. J'ai reçu le président du Beef and lamb néo-zélandais - à la fois syndicat et interprofession - il y a huit jours dans mon département. Alors que des actions étaient menées dans les grandes et moyennes surfaces (GMS), je lui ai expliqué que c'était ce que m'inspirait leur comportement car au final, les éleveurs néo-zélandais et anglais sont très malheureux et nous ne sommes non plus au mieux. Nous discutons avec les anglais à Bruxelles dans le cadre du COPA-COGECA. Nous leur demandons davantage de transparence dans la mesure où 55 % des agneaux que nous consommons sont importés. La question de la transparence a été réglé pour la production française. Elle doit l'être désormais au niveau européen. Les néo-zélandais sont moins concernés dans la meure où ils exportent pour Pâques et que cette année, en 48 heures les opérateurs n'avaient déjà plus d'agneaux français.

Les importations en cause dans l'affaire Spanghero venaient du même pays que ceux de la crise de l'ESB en 2000... Nous sommes - par la volonté des professionnels - le seul pays au monde où les agneaux sont identifiés par une boucle électronique alors que seul le cheptel reproducteur l'est en Angleterre. L'accord interprofessionnel prévoyant l'étiquetage « viande ovine française » (VOF) a été signé il y a 10 ans mais non mis en oeuvre. Dès la semaine prochaine, nous demanderons aux grandes et moyennes surfaces (GMS) d'accepter d'apposer ce logo qui désigne l'une des productions les plus saines au monde. Le ministre et son cabinet nous appuient. La crise actuelle peut en effet représenter un opportunité pour l'agneau français. Nous n'avons pas de difficultés pour le vendre mais l'on peut encore espérer une augmentation des prix d'un produit qui le mérite. A la différence du porc, consommé au quotidien, l'agneau ne représente que quatre actes d'achat par an, allant souvent de pair avec celui du foie gras ou d'une bonne bouteille de bon vin. C'est un produit que l'on achète au moment des fêtes et le vendredi ou le samedi pour les réunions de famille. Si nous avons réuni tous les ingrédients pour apporter les réponses qu'attendent les consommateurs, nous souffrons - comme les autres productions animales - de l'augmentation de 30 % du prix des matières premières.

L'élevage évolue. On voit aujourd'hui fleurir des ateliers ovins autour d'exploitations céréalières. Peut-être est-ce le signe d'une agriculture dans laquelle l'agronomie reprendrait le dessus. Dans le Bassin parisien, il y a très longtemps, la première fonction des brebis était de fournir du fumier avant le lait, la laine ou la viande. Bertrand Patenôtre, un ingénieur disposant d'une exploitation céréalière de 180 hectares près de Troyes, a constaté il y a quelques années que sa consommation d'intrants montait en flèche tandis que ses rendements baissaient. Il a choisi de se doter d'un cheptel de 700 brebis pour assurer la fertilisation naturelle du sol. Il raisonne sur son exploitation prise globalement et il n'est pas le seul.

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