Nous avons le plaisir d'accueillir nos collègues de la Grande Assemblée Nationale de Turquie. Cette délégation est conduite par M. Tekelioglu, président de la commission d'harmonisation des normes avec l'Union européenne et elle compte parmi ses membres M. Gülpinar qui est le président du groupe d'amitié Turquie-France qui vient de se reconstituer, ce dont, naturellement, nous nous réjouissons.
Vous effectuez actuellement un séjour en France dans le cadre d'un projet de « Dialogue interparlementaire » financé par l'Union européenne. Vous avez pris l'initiative de cette rencontre avec notre commission à et je me réjouis de cette occasion de débat qui va nous permettre d'échanger de façon très libre sur un certain nombre de sujets, en lien avec les missions de notre commission.
J'ai l'avantage de présider une commission dont les domaines de compétence sont relativement consensuels entre la majorité et l'opposition puisque tant la défense que les affaires étrangères engagent nos intérêts nationaux. Nous avons d'ailleurs institué un principe de « binômes » majorité-opposition pour l'ensemble de nos rapports et de nos missions.
Nous avons beaucoup travaillé l'année dernière dans le cadre de la préparation, en France, d'un nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et continuons à suivre très attentivement les travaux de la commission chargée de sa rédaction finale ainsi que la préparation d'une loi de programmation militaire dont les enjeux nous paraissent très importants. Nous sommes en effet préoccupés par la tendance observée dans la plupart des pays européens, membres de l'OTAN, de la réduction sensible des budgets consacrés à la défense, alors même que les États-Unis, confrontés eux-mêmes à la nécessité de réduire leurs dépenses, orientent davantage leurs intérêts vers l'Extrême-Orient. Nous avons eu l'occasion d'affirmer que la limite de 1,5% du PIB consacré à la défense nous paraissait un plancher à ne pas franchir et conservons quelque espoir d'être suivi en ce sens par le Président de la République. Nous serons naturellement intéressés à connaître l'actualité de cette question en Turquie.
Nous examinons aussi de près les développements de la coopération entre États européens en matière de défense, qu'il s'agisse des initiatives au sein de la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne ou des initiatives conduites au sein de l'OTAN.
En matière de politique étrangère, nous avons mis l'accent cette année sur trois zones géographiques qui nous paraissent au coeur de l'actualité :
- les pays de la rive sud de la Méditerranée, pour apprécier les évolutions intervenues dans certains d'entre eux à la suite de ce que certains ont qualifié de « printemps arabes » et leurs conséquences ;
- les questions du Sahel, car nous avons considéré, bien avant l'intervention de l'armée française au Mali, que cette zone géographique peu peuplée et instable constituait une zone à risque ;
- et enfin l'Afrique subsaharienne qui nous paraît être un continent à fort potentiel de développement.
Nous savons que la Turquie est active dans ces régions, que certains des nouveaux dirigeants du monde arabe se réfèrent au modèle turc de démocratie et qu'elle a renforcé de façon importante ses moyens diplomatiques et d'influence sur le continent africain.
Nous suivons également de très près la situation en Syrie et ses récents développements. Nous avons eu d'ailleurs l'occasion d'auditionner votre ambassadeur, il y a quelques mois, sur cette question et, la semaine dernière, à huis clos, le ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius.
Nous nous intéressons naturellement au conflit israélo-palestinien et observons les récentes évolutions des relations de la Turquie avec Israël et avec les différentes composantes palestiniennes.
Nous sommes également attentifs, tout comme vous, à la question du nucléaire iranien.
J'ajouterai que nous apprécions avec intérêt les récents développements de la question kurde en Turquie et nous nous nous réjouirions qu'une solution pacifique et durable puisse en être l'issue.
Enfin, les relations que nous entretenons avec la Turquie, soit en bilatéral, soit dans le cadre de l'Union européenne, sont, bien entendu, au coeur de nos préoccupations, nous avons conscience que pour diverses raisons, qu'il s'agisse de la position de la France sur le processus de négociation en vue de l'accession de la Turquie à l'Union européenne ou du vote par le Parlement d'une proposition de loi tendant à pénaliser la négation du génocide arménien, nos relations bilatérales se sont très sensiblement altérées, au cours des dernières années, ce que, pour ma part et je ne suis pas le seul dans cette commission, à le regretter profondément. J'ai le sentiment que nous entrons dans un période de reprise, de redémarrage de relations plus confiantes, votre visite en constituant l'illustration.
Nous avons, vous le voyez, de très nombreux sujets d'intérêt en commun. Ces sujets ne sont naturellement pas exclusifs et vous souhaiterez probablement en aborder quelques autres. Nous n'aurons sans doute pas le temps matériel pour les aborder tous au fond, mais cela constituera l'amorce d'un dialogue que, je l'espère, nous pourrons poursuivre.