Je vous remercie, ainsi que la commission, de votre accueil. Notre visite s'inscrit dans le cadre d'un projet d'échange et de dialogue que conduit le Parlement turc avec l'Union européenne. Je voudrais d'abord partager avec vous certaines pensées relatives à l'Union européenne. Nous souhaitons développer des liens d'amitiés, nos liens sont très anciens avec la France et nous sommes obligés de nous entendre. Nous sommes deux anciens empires, conscients que le monde a changé, que nous ne pouvons plus avoir de pensées impériales dans le monde actuel, mais que nous devons établir d'autres unions politiques et économiques pour continuer à avancer.
Dans le cadre de ce projet, l'Union européenne, pendant la période de candidature, a tenu à ce que la Turquie soit mieux connue, que les points obscurs soient mis en lumière, que les pays réticents puissent lever leurs doutes, grâce à l'échange et au dialogue. C'est une initiative du Parlement européen. La visite d'une délégation française en Turquie sera organisée ; nos ambassades respectives travaillent à cela. Des délégations turques se sont rendues au Portugal, en Estonie, en Hongrie, bientôt en Belgique. Dans le cadre du dialogue, des symposiums sont organisés en Turquie et dans d'autres pays européens, sur l'immigration, sur le dialogue interculturel, sur l'alliance des civilisations et l'Union européenne, le rôle des médias et la diversité culturelle, sur le terrorisme et nous aurons de prochaines réunions sur la bonne gouvernance et les 6 et 7 novembre à Paris sur l'égalité des sexes. Les sénateurs sont invités à participer à ces conférences.
En 2006, l'opinion publique turque était favorable à 70% à ce que nous accédions à l'Union européenne. Aujourd'hui, si nous posons la question de l'accès aux normes et standards européens, nous obtiendrons probablement le même résultat mais si nous interrogeons sur l'adhésion les résultats sont plutôt de 30 à 40%. Qu'est-ce qui explique cela ? La Turquie n'a pas été bien compris et nous n'avons pas réussi à avoir l'appui de certains de nos amis. Ainsi la France a bloqué certains chapitres au cours de la dernière période. Le blocage sur un de ces chapitres a été levé récemment, mais il faudrait que le blocage soit levé sur les quatre chapitres restants, ainsi l'opinion publique vis-à-vis de la France deviendrait beaucoup plus positive. Il faut le faire car nous avons besoin de plus de relations économiques et si nos relations économiques sont meilleures nous n'aurons plus de raisons de ne pas nous entendre. Sinon nous aurons plus de problèmes dans notre dialogue. Il faut que nous soyons en état de discuter et de négocier sur toutes les questions.
Sur l'Union européenne, il n'y a pas de perte de la visée. Elle est partagée par notre parti et par les partis de l'opposition. Nous poursuivons les réformes ; un 4ème paquet de réformes portant notamment sur la justice est à l'ordre du jour. Certaines déclarations et agissements de certains leaders en Europe ont eu un effet sur l'opinion publique et il faut dépasser tout cela.
La concordance avec l'acquis communautaires touche les lois, les règlements, tout un ensemble de directives et de textes, c'est un travail considérable et peu visible, mais qui se réalise quotidiennement. Notre objectif est bien d'intégrer tout cet ensemble de normes et d'être au standard européen. D'ailleurs, quand nous en serons arrivés là, la question de l'adhésion à l'Union européenne ne sera peut-être même plus d'actualité, mais, pour le moment, notre but est l'adhésion pleine et entière.
Le budget de la défense reste important, à la seconde place, même s'il n'est plus le premier puisque désormais l'éducation est le la plus dotée.
Les évolutions démocratiques dans les pays de la rive sud de la Méditerranée, prennent la suite des mouvements observés dans les années 70-80 en Europe du Sud, puis en Europe de l'Est au début des années 90, puis dans certains pays d'Asie centrale. Les pays arabes étaient restés en dehors de ce mouvement, leurs régimes autoritaires ont pu se maintenir avec le soutien des pays étrangers soucieux de préserver leurs sources d'approvisionnement énergétique. Évidemment, ce n'est pas facile, la situation reste encore instable. Certains dirigeants prennent la Turquie comme exemple, ce n'est pas notre but, l'essentiel est que ces pays se dirigent durablement vers la démocratie.
Nous suivons de près ce qui se passe au Sahel et en Afrique subsaharienne, il faut que la paix vienne durablement sur ce continent.
Nous sommes préoccupés par la situation en Syrie qui est notre voisin. Nous avons actuellement 200 000 réfugiés syriens en Turquie, que nous prenons en charge et nous constatons la faiblesse de l'appui de la communauté internationale pour cela. Nous essayons de faire ce qui est dans nos possibilités pour que la paix survienne : action diplomatique, dialogue avec l'opposition.
S'agissant du conflit israélo-palestinien, nous voulions que les relations reprennent avec Israël dans un contexte nouveau, nous avons reçu les excuses que nous attendions mais l'essentiel est que la paix arrive dans la région, que les réfugiés soient traités équitablement, que l'embargo sur Gaza soit levé.
La situation nucléaire de l'Iran conduit à une impasse. Nous essayons de convaincre l'Iran d'arrêter ses travaux et d'accepter les contrôles des Nations unies sur l'ensemble des centres. S'il n'y a pas cette transparence, les craintes augmenteront dans le monde et l'Iran en subira les conséquences.
Le problème kurde doit pouvoir être résolu de façon durable et pacifique. Un processus est en cours. Il y a un volet « droits de l'homme » et un volet « terrorisme », cela a entraîné un très grand nombre de morts jusqu'à aujourd'hui. Une ouverture est en cours pour que le sang ne coule plus. C'est un préalable. Les kurdes commencent à voir qu'il est possible de vivre ensemble en Turquie en obtenant l'intégralité de leurs droits et ils savent désormais que cela est possible.
La question arménienne continue de nous préoccuper. Nous avons été éduqués à considérer la France comme le centre et de la liberté d'expression et des droits de l'homme et nous souhaitons que les Turcs obtiennent les mêmes droits que les citoyens français. Il ne faudrait pas observer un recul en la matière en France. Il y a eu des événements de 1915, ils n'étaient pas unilatéraux, mais les Parlements ne peuvent pas être les mécanismes de ces décisions, laissons les organismes internationaux et surtout les historiens travailler sur ces sujets. Lors du radoucissement des relations entre la Turquie et l'Arménie, avec des visites respectives des présidents de la République, il y avait eu la mise au point d'un protocole en ce sens mais cela s'est arrêté. Il faudrait relancer ce protocole et que les travaux se poursuivent dans cette direction.
Il y a toujours un grand nombre d'étudiants turcs en France, mais beaucoup plus encore qui se rendent aux États-Unis, il faudrait relancer ces échanges dans le cadre du développement de nos relations bilatérales.
Enfin, je voudrais vous signaler deux candidatures turques, celle de la ville d'Izmir à l'organisation de l'Exposition universelle 2020 et celle d'Istanbul à l'organisation des Jeux olympiques la même année. Nous avons besoin de votre soutien.