Lorsque nous avons entamé les négociations d'adhésion à l'Union européenne, nous avons reçu deux messages : il faut que les institutions non politiques ne s'occupent plus de politique en Turquie et que vous avanciez sur Chypre. Après l'échec du référendum, nous avons fait un pas, et nous avons dit que si l'embargo sur la partie nord était levé nous ouvririons nos ports et nous mettrions en pratique le protocole d'Ankara, mais il n'y a pas eu d'évolution. Nous avons tout fait à l'époque pour que les négociations continuent. L'arrivée d'un nouveau président à Chypre permettra peut-être de discuter, de faire une nouvelle évaluation et d'avancer vers une solution. Nous sommes optimistes, mais il faut que l'autre partie le soit également. Il faut avancer car, si nous ne dialoguons pas, demain nous risquons de nous quereller. D'ailleurs de nouvelles questions surgissent comme celle de l'exploitation des ressources énergétiques. On peut coopérer sur ce sujet. Si on a une approche selon laquelle ces ressources appartiennent à Chypre dans son intégralité, on pourra avancer. D'ailleurs, si ces ressources ne peuvent être transférées vers la Turquie, l'exploitation ne sera pas rentable. On avait proposé une solution bicommunautaire, mais il faut la volonté des deux parties. On a un « caillou » dans les deux chaussures, mais il faut résoudre la question en ôtant les cailloux pas en coupant le pied. Nous savons que nous devons avancer.
Sur le problème kurde, il y a une bonne atmosphère en Turquie actuellement. Il faut que toutes les couches de la société participent à la solution parce que si on oublie une partie de la société, les discussions grandissent et cela devient plus difficile. On vient de créer un Conseil des sages dans ce but. Il y a des risques, mais la politique est l'art de prendre des risques. Si on ne prend pas de risques, aucune évolution n'est possible.
En matière de laïcité, je vous rappelle que notre Premier ministre, lors d'un discours en Égypte, a dit aux Égyptiens de ne pas abandonner la laïcité, c'est un élément de cohésion de la société. Il n'a pas été compris, le mot n'existe pas en arabe. Certains l'ont accusé de proférer des insultes et de dire d'autres choses en Turquie, mais nous n'avons pas fait de concessions en matière de laïcité en Turquie. Nous ne sommes pas pour autant partisans d'une laïcité rigide, il faut la concilier avec les libertés individuelles. Nous essayons d'adopter toutes les normes européennes. On ne peut avoir de problèmes sur la laïcité Si vous abandonnez la laïcité, cela veut dire que vous voulez transposer des principes religieux dans vos lois, il n'en est pas question en Turquie. Certaines applications sont critiquées comme des atteintes à la laïcité, mais nous voulons juste mettre en avant les libertés individuelles et nous pensons qu'il y aura une meilleure cohésion sociétale.