Intervention de Michel Billout

Réunion du 9 mars 2005 à 21h30
Régulation des activités postales — Article 8

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Aux termes de cet article 8, vous proposez, monsieur le ministre, de changer le statut des services financiers de La Poste.

Pour respecter les ratios bancaires, La Poste a déjà dû doter sa filiale Efiposte d'un capital de 150 millions d'euros. Elle a dû également mettre en place une série d'outils de placement et de surveillance.

A l'image de ce qui se passe pour la gestion des fonds des comptes chèques postaux, la Poste serait déjà dans l'obligation d'apporter plusieurs millions d'euros de capital dans sa filiale afin de respecter les ratios prudentiels imposés aux banques.

Bref, faire de La Poste une banque comme les autres aura déjà un coût d'entrée.

Par ailleurs, cet élargissement de l'offre induira d'autres frais : consentir des prêts suppose, évidemment, de proposer des taux avoisinants ceux du marché. Or les intérêts, c'est-à-dire le prix du prêt, intègre nécessairement trois données incontournables : le coût de la ressource, autrement dit le prix payé par la banque pour ramasser des fonds ; le coût du risque - pour le faire baisser, les banques pratiquent une véritable sélection, y compris pour les petites et moyennes entreprises ; le coût de gestion, notamment le traitement des dossiers.

Il est louable de vouloir étendre la gamme des services financiers offerts aux usagers de La Poste, mais la façon dont vous agencez cette décision, monsieur le ministre, conduit à faire entrer en concurrence la banque postale avec les autres établissements sans discuter ni des missions de celle-ci ni de son financement.

En outre, selon le contrat de plan, La Poste ne pourra pas offrir de prêt à la consommation, ce qui limite clairement la diversification de ses offres.

Vous vous contentez de réaffirmer que La Poste se doit d'offrir des services bancaires aux plus démunis. Pourtant, vous portez un coup supplémentaire au livret A puisque vous avez décidé de diminuer d'un dixième de point l'aide de l'Etat à sa rémunération. Il en résultera 680 millions d'euros d'économies dans les caisses de l'Etat, mais assortis du risque qu'à terme La Poste n'abandonne cette forme d'épargne, qui deviendra de moins en moins attractive dans un contexte concurrentiel.

Il est dit dans ce projet de loi que La Poste offre « au plus grand nombre » ses services en matière financière ; ce n'est donc plus à tout le monde.

Par cette mesure, vous entrez en contradiction avec l'article L. 221-10 du code monétaire et financier, qui dispose que « La Poste ouvre un compte sur livret à toute personne par laquelle ou au nom de laquelle des fonds sont versés, à titre d'épargne, dans un de ses établissements ». C'est une rupture d'égalité devant le service public.

Quel sera, monsieur le ministre, l'avenir du service financier public dans l'environnement concurrentiel auquel vous le soumettez ?

Le nouveau pas franchi dans la filialisation de La Poste met manifestement en danger les missions de service public. Mettant à mal le réseau grand public, la séparation des activités financières et des activités de courrier ne pourra que nuire aux usagers.

Préoccupé par la séparation en centres de profit des activités postales, préalable nécessaire à l'ouverture de l'entreprise aux capitaux privés, vous refusez de considérer sérieusement les bénéfices que peuvent tirer les usagers du réseau grand public regroupant les activités colis, courrier et les services financiers de La Poste de façon intégrée.

Ce regroupement d'activités permet une péréquation tarifaire entre les différentes activités de l'entreprise, qui concourt largement à l'équilibre des comptes de l'opérateur public et à la densité du réseau postal.

Désolidarisant les services financiers des autres services, vous organisez donc l'étiolement du réseau.

L'intégration des services financiers dans La Poste permet, en outre, une collecte de l'épargne populaire au plus près des populations et assure ainsi la récolte des fonds dont elle ne pourrait bénéficier si l'implantation des services financiers était réduite.

Séparer les activités financières de La Poste des secteurs colis et courrier, c'est donc modifier le système de collecte de l'épargne populaire. A terme, le nombre des clients bancaires de La Poste risque de s'en trouver modifier. C'est donc aussi une remise en cause du financement des collectivités qui se profile.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.

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