Dans le cadre de nos travaux sur « la place des femmes dans le secteur de la culture », nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Mme Chantal Montellier, dessinatrice et scénariste, qui est à l'origine du Prix Artémisia, prix de la bande dessinée féminine. Elle est accompagnée de Lucie Servin, doctorante en histoire contemporaine et journaliste de bande dessinée.
Le secteur de la bande dessinée est l'un des segments les plus dynamiques de l'édition. Muriel Beyer, vous vous en souvenez mes chers collègues, nous l'avait confirmé. C'est une forme d'expression extrêmement populaire. Elle rencontre un public varié, qui ne se limite pas aux jeunes lecteurs, même s'il rencontre auprès de ceux-ci un grand succès.
Or, et c'est un paradoxe, les femmes y sont extrêmement peu présentes, ou à tout le moins peu visibles. On peut s'en étonner car les filles sont, par ailleurs, majoritaires parmi les étudiants des écoles des Beaux-Arts. Mais il semble qu'elles s'orientent plus naturellement vers d'autres formes d'expression (par exemple l'illustration de livres pour enfants) que vers la bande dessinée proprement dite.
Je souhaiterais que vous puissiez nous exposer, à partir de votre expérience, les obstacles concrets que rencontrent les femmes pour s'imposer au sein de cet univers très masculin, dans le recrutement comme dans les valeurs et les représentations qu'il diffuse. Ces obstacles tiennent-ils au milieu professionnel stricto sensu, aux éditeurs ou aux réseaux de diffusion ?
Comment peut-on tenter de contrecarrer cette tendance ? Quelles pistes nous proposez-vous à la lumière de l'expérience que vous avez lancée en créant le Prix Artémisia ?
Élargissant notre sujet, peut-être pourrez-vous aussi évoquer le genre voisin du dessin de presse et de la caricature politique qui semble lui aussi très masculin, la trajectoire d'une Claire Bretecher paraissant, à tous points de vue, atypique ?