Intervention de Lucie Servin

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 11 avril 2013 : 1ère réunion
Femmes et culture — Audition de Mme Chantal Montellier dessinatrice et scénariste créatrice du prix artémisia de la bande dessinée accompagnée de Mme Lucie Servin doctorante en histoire contemporaine et journaliste de bande dessinée

Lucie Servin, doctorante en histoire contemporaine et journaliste de bande dessinée :

Le marché de la bande dessinée est florissant, mais quatre gros éditeurs se partagent 90 % du marché. Ce dernier est encore plus concentré depuis le rachat de Flammarion par Gallimard. Les 10 % restant sont des passionnés qui résistent tant bien que mal sans parfois atteindre la rentabilité. Cette concentration a des répercussions sur les moyens et sur la presse : la presse va mal. Dans les années 1990, c'est l'album qui est devenu le support de la bande dessinée : c'est le corollaire d'une certaine crise de la presse. On voit aussi arriver sur le marché des titres de journaux racoleurs, comme « Bisou », qui reflètent ce qu'est devenue la bande dessinée féminine d'un point de vue éditorial, politique et commercial ! Castermann voulait créer « Fluide Point G », qui a été repris par Delcourt et est devenu « Bisou ». Ce phénomène éditorial est le fruit du succès de certaines dessinatrices qui jouent sur la « bd girly », c'est-à-dire la bande dessinée de femmes pour les femmes. La « bd girly » s'inspire de la presse féminine, de « Elle » à « Gala », dans ce qu'elle a de plus avilissant, en resserrant sa cible sur les adolescentes et les femmes trentenaires « mal dans leur peau ». Elle ne propose que des sujets réservés aux femmes : la mode, le sexe... En réponse à la parution de « Bisou », Delcourt a sorti un magazine exclusivement centré sur la « bd girly ».

Bien au contraire, Artémisia veut défendre une mixité. Organiser un prix féminin de la bande dessinée n'est pas, dans notre démarche, discriminatoire, puisque notre objectif est que les femmes puissent s'exprimer sur tous les sujets. Ce regard mixte passe par la valorisation de cette production : faire entendre la femme dans ce qu'elle a de plus universel. Mais la force de frappe des « bd girly » est très importante : 100 000 exemplaires en kiosque, c'est énorme ! Pour cette raison, il est absolument nécessaire d'avoir des associations de bénévoles comme Artémisia qui puissent faire entendre une voix indépendante qui valorise la femme non pas dans ce qu'elle a de plus sectaire, mais au contraire dans ce qu'elle a de plus universel. Le discours universel est mixte ! Notre regard est mixte. Notre vocation est de devenir un observatoire de la bande dessinée féminine. Mais nous n'avons pas de moyens...

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