Intervention de François-Marie Bréon

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 19 mars 2013 : 1ère réunion
Deuxième Audition publique ouverte à la presse sur « les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir des véhicules écologiques »

François-Marie Bréon, chercheur, Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement :

Je suis chercheur en climatologie dans un laboratoire public de la région parisienne et je participe à la rédaction du prochain rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) qui fera un état des lieux des connaissances sur le climat et les changements climatiques. Je pense que mes compétences auraient été plus adaptées à la première table ronde de ce matin, mais je me permets d'utiliser le temps de parole qui m'est donné.

Il me paraît clair que le problème de l'effet de serre dû à un changement climatique, et la nécessité de lutter contre les émissions de dioxyde de carbone ont bien été comprises par les intervenants de cette table ronde. Cela me rassure un peu, car je n'ai pas toujours ce sentiment au regard des décisions qui sont prises au niveau de l'État.

Par contre, je ne suis pas certain que tout le monde réalise la difficulté des objectifs. J'ai entendu parler de solutions technologiques permettant de réduire les émissions de quelques dizaines de pourcent, voire même parfois d'un facteur 2 dans des conditions vraiment optimistes. Je rappelle que le besoin, en France, pour vraiment lutter contre le changement climatique et stabiliser le climat au niveau où il est actuellement, c'est de diminuer l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre d'un facteur typiquement 4, et ce, en tenant compte de l'augmentation de la population qui conduit mécaniquement à une augmentation des émissions à niveau constant. Il faut donc bien réaliser que les efforts sont énormes. Et ce n'est pas en diminuant les émissions de 10, 20 à 30 % qu'on va résoudre le problème.

J'ai aussi entendu beaucoup parler des agro-carburants. C'est vrai que cette solution peut sembler prometteuse. Mais au-delà des problèmes de disponibilité des territoires, qui ne sont pas de ma compétence, je rappelle que les agro-carburants nécessitent souvent l'emploi d'engrais azotés qui conduisent à des productions importantes de protoxyde d'azote, un gaz à effet de serre, au même titre que le dioxyde de carbone. Sur les aspects climat, il faut veiller, en fait, à gagner sur les émissions de dioxyde de carbone, mais aussi à ce que ces gains réels ne soient pas perdus par les émissions de protoxyde d'azote.

Je termine par un court point sur le transport aérien. Je suis bien conscient que ce n'est pas le sujet du jour, mais peu de gens réalisent l'importance des émissions qui sont liées au transport aérien. Pour la plupart des gens qui sont dans cette salle, leurs émissions propres liées à leurs déplacements aériens sont beaucoup plus importantes que les émissions liées à leurs déplacements terrestres. La poursuite du transport aérien au niveau actuel est complètement incompatible avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et certainement incompatibles avec les perspectives d'augmentation du transport aérien qui semblent souhaitables pour beaucoup de gens.

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