Intervention de Elisabeth Windisch

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 19 mars 2013 : 1ère réunion
Deuxième Audition publique ouverte à la presse sur « les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir des véhicules écologiques »

Elisabeth Windisch, laboratoire Ville-Mobilité-Transport, École des Ponts Paristech :

Nous travaillons depuis plusieurs années sur le potentiel de véhicules électriques batterie en France. Je vais vous parler en particulier du potentiel auprès des ménages.

Les ménages français représentent environ 60% du marché des voitures particulières neuves. Si l'on vise un marché de masse pour les voitures électriques, il est primordial de s'assurer que les ménages sont à même de s'équiper avec ces technologies. Il y a trois freins principaux à l'achat privé de voitures électriques : l'autonomie restreinte, les besoins d'infrastructures de rechargeables et de parkings et les coûts d'achat élevés.

D'après les résultats de l'enquête nationale transport et déplacements 2007-2008 (ENTD), au niveau des ménages, on peut constater que l'autonomie restreinte est un frein moins important que ce qu'on pense. En effet, 70 % des ménages français motorisés n'ont pas besoin d'une autonomie supérieure à 120 kilomètres, y compris pour se déplacer en vacances. 60% de ces ménages sont multi-motorisés, ils peuvent avoir recours à leur deuxième voiture pour des déplacements longs. Dans les régions denses, où les ménages sont moins multi-motorisés, ce chiffre baisse. À Paris, seulement 35 % des ménages motorisés ne seraient pas gênés par l'autonomie restreinte. Afin de limiter les problèmes liés à l'autonomie, il suffit, dans un premier temps, de s'assurer que ces ménages comprennent leurs vrais besoins en termes de mobilité. Dans un deuxième temps, il convient d'assurer un accès pratique et facile aux véhicules partagés, loués, pour répondre aux besoins en déplacements longs qui sont le plus souvent occasionnels.

Une fois que les besoins réels en autonomie sont cernés, il reste à s'assurer que les voitures peuvent être rechargées à leur place de parking principal, c'est-à-dire dans le lieu de résidence. L'enquête ENTD montre que 60 % des ménages motorisés ont accès à une place de parking où une infrastructure de recharge peut être installée. À Paris, ce pourcentage monte à 70 %, ce qui montre que les ménages à Paris sont mieux pourvus en termes de places de parking privé qu'ailleurs. Mais comme ces places de parking se trouvent en général dans les copropriétés, l'infrastructure de recharge sur ces places de parking reste très peu probable pour l'instant. Et même s'il existe un droit à la prise, qui donne le droit d'installation, celle-ci se fait aux frais de l'usager, et donc ce droit ne sera probablement pas suffisant pour s'assurer qu'il y a vraiment des places de parking privé dans ce type de logement. Cela explique pourquoi, dans les régions denses, l'adoption des voitures électriques est très problématique. Il reste à envisager des infrastructures de parking et de recharge publique avec accès exclusifs réservés aux usagers de voitures électriques. C'est un levier possible dans les villes denses.

En ce qui concerne le frein économique, le coût total TCO (Total Cost of Ownership) dont on a parlé ce matin, montre que grâce aux politiques actuelles, notamment à la subvention à l'achat de 7 000 euros, une voiture électrique avec location de batterie est aujourd'hui tout à fait compétitive par rapport à une voiture thermique comparable, même si l'on tient compte du kilométrage annuel et tous types d'usages courants en France. Il est donc primordial que les politiques publiques s'assurent que les gens s'approprient vraiment ces TCO avant de prendre leur décision d'achat.

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