directeur de la recherche scientifique, CEA, et vice-président d'AFHYPAC. - Je travaille au CEA et je suis vice-président de l'association française de l'hydrogène. Je suis également membre du comité national d'experts dans le débat sur la transition énergétique. À ce titre, on retrouve un peu les mêmes problématiques dans notre comité que ce qu'on évoque ici.
Cette étude, je la connais bien, et j'ai essayé de l'appliquer aussi à la France, afin de voir quels étaient les obstacles qui restaient en France pour déployer l'ensemble des technologies, batterie, véhicules plug-in ou véhicules à hydrogène. Finalement, ce sont des véhicules électriques. Comme le dit Laurent Antoni, ce sont ces trois familles qui vont permettre de décarboner à quasiment 100% en 2050 le parc automobile français.
Je vais plutôt insister sur l'aspect des infrastructures, puisque Laurent Antoni a déjà expliqué la partie voitures. Le modèle économique de l'infrastructure hydrogène est rentable à terme, mais le problème se situe au niveau de son introduction. Comme au départ il y aura très peu de véhicules, on peut comprendre aisément que le business est à perte pendant dix à quinze ans, le temps d'arriver à un niveau de production suffisant et à un parc existant.
Je vais donner des ordres de grandeur, sur la base d'études très précises qui ont été faites en Allemagne et en Angleterre. On démarre avec probablement quelques milliers de véhicules entre 2015 et 2020. Et l'on arrive, dans ces deux pays qui sont comparables à la France, à une production d'environ 300 000 à l'horizon 2030. C'est très progressif, comme n'importe quelle transition. Mais au départ, l'infrastructure est installée, il faut assurer la production et bien sûr la distribution, et le business est déficitaire. La question centrale est : comment financer cette première période d'introduction de l'infrastructure ? La solution est comparable à celle de l'infrastructure électrique. C'est un mélange de financements publics et de prise en charge par les industriels.
En Allemagne et en Angleterre, un plan de déploiement des infrastructures est déjà prêt. En France, que se passe-t-il ? C'est justement l'une des priorités de l'association AFHYPAC. On lance en ce moment une étude « H2 Mobilité France » qui s'interroge sur la manière dont on pourrait déployer un plan de déploiement d'infrastructures, en supposant qu'on ait les financements. Cette étude démarre maintenant et donnera des résultats en 2014. Concrètement, si on doit déployer les premières dizaines de stations, on saura, grâce à ce plan, où on va les mettre, comment elles vont être approvisionnées. Cette étude donnera toutes les données techniques en prévision du jour où l'on sera prêt à avoir le financement, et donc le feu vert des autorités.
Il y a deux volets. Le volet infrastructure qui est déficitaire et le volet du surcoût initial, comme dans le cas de la voiture électrique à batterie. Et donc on a forcément une aide de l'État sur les véhicules, qui peut être jusqu'à 7 000 euros dans le cas des véhicules électriques. Ce schéma peut également s'appliquer à la voiture à hydrogène. Le seul problème, c'est que les budgets publics sont limités. Ne serait-ce que 7 000 euros sur 1 million de véhicules, on arrive à 7 milliards. Va-t-on arriver, au niveau industriel, au coût du marché, que ce soit pour un véhicule à batterie ou à hydrogène, à 100 000, 200 000 ou 300 000 voitures ? Cet équilibre va être très délicat.